Guerres de Vendée,  Révolution française,  XIXe Siècle

La dernière demeure du général Henri Forestier

Henri Forestier, né en Anjou vers 1775, fut un des principaux généraux Vendéens. Ami d’Henri de La Rochejaquelein, il devint commandant de la cavalerie, et se fit remarquer en particulier dans les grandes batailles de 1793, durant la Virée de Galerne, puis en 1795 avec les Chouans du Marquis de Puysaye avant de revenir en Vendée Militaire au sein de l’armée du Centre d’abord puis comme second de Stofflet à la tête de l’armée d’Anjou. Stofflet qu’il remplaça, d’abord avec Charles d’Autichamp puis seul, en 1795/1796. A partir de 1797 commença pour lui une longue carrière de comploteur qui le mena à travers l’Europe : Au Portugal, en Espagne et surtout en Angleterre où de 1803 à 1805 il mit sur pied un vaste réseau militaro-financier, passant par Londres, Madrid, Bordeaux et Nantes, afin d’organiser une nouvelle prise d’arme dans le but de facilité le débarquement d’une armée Anglo-Emigrée et de renverser Napoléon. Ce complot échoua en 1805, et Forestier, réfugié à Londres, y décéda en 1806. Ce général Vendéen, admiré par les siens et craint de ses adversaires, est un des plus fascinants, et pourtant par de nombreux aspects, un des plus mystérieux. Sa naissance reste un point obscur sur lequel de nombreux chercheurs se sont cassés les dents. Mais cette naissance n’est pas le propos de cet article. Nous allons nous pencher sur le décès du général Vendéen. Non sur sa mort elle-même, dont la date et lieu ont été confirmés ces dernières années dans divers écrits ; nous allons ici tenter de répondre à une question à laquelle aucun historien, aucun chercheur ni curieux, n’a jusqu’à maintenant apporté une réponse : Où fut inhumé Henri Forestier ? Et nous nous interrogerons également quant à savoir ce qu’est devenue sa tombe.

Où est décédé le général ?

La localisation exacte du lieu de décès d’Henri Forestier pouvant peut-être permettre de localiser un éventuel cimetière, il était nécessaire de connaitre avec précision où décéda le général Vendéen. Les circonstances du décès d’Henri Forestier, ainsi que le lieu, restèrent longtemps mystérieux. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, les recherches menées ces dernières années ont permis de confirmer la date de son décès, le 14 septembre 1806, et le lieu : Londres.[2] Les courriers qui étaient adressés à la Comtesse d’Oeynhausen[3], la compagne de Forestier, ainsi que les documents concernant les procès menés en 1807/1808 afin de déterminer les héritiers du général, permettent de connaitre avec précision le lieu du décès : au cœur de Londres, à Leceister Square, peut-être au 29 où logeait la Comtesse d’Oeynhausen. Le 29 Leicester Square, ou Leicester fields comme on disait à l’époque, n’est pas une adresse inconnue. Aux 27, 28, 29 et 30 du square s’élevait depuis 1788 un hôtel fondé par un Italien (Pagliano) et géré en 1806 par son fils : le Sablonière Hôtel. Cet établissement était alors fréquenté par une clientèle étrangère majoritairement française, et fut même réputé pour sa cuisine française.

Henri Forestier et la Comtesse d’Oeynhausen se réfugièrent donc peut-être dans cet hôtel fréquenté par des compatriotes d’Henri Forestier, émigrés comme lui et de fait susceptibles d’appartenir ou de soutenir sa cause anti-bonapartiste. Il reste pourtant un léger doute sur cette adresse. S’il est certain que la Comtesse y habitait, à ce jour rien ne permet d’affirmer que Forestier y logeait également. La correspondance de la Comtesse démontre qu’ils partageaient beaucoup de choses, les documents des archives anglaises affirment même qu’ils étaient concubins. Pourtant, nous le verrons, un document nous dit que Forestier serait peut-être décédé à St Martin Street, une rue qui fait effectivement partie de Leicester square, mais distincte du 29… Quoiqu’il en soit, Forestier est bien décédé à Leicester Square.

La Comtesse d'Oeynhausen - Autoportrait
La Comtesse d’Oeynhausen – Autoportrait

Les accusations portées plus tard contre la comtesse, prétendant qu’elle l’avait empoisonné, mirent également en doute le fait qu’elle logeait avec lui. Mais ces accusations relèvent d’une campagne de désinformation, de déstabilisation, à une époque où d’un côté les anti-bonapartistes et autres Royalistes tentaient de récupérer l’argent de Forestier pour financer leurs parties ; et à une époque où l’Angleterre se détournait des ces mêmes parties dans l’espoir d’un rapprochement politique avec la France[4]. Des documents accusateurs qui ne tiennent plus face à l’étude des documents d’archives et la correspondance de la Comtesse. Les accusations d’empoisonnement, repris plus tard par des proches du général mais qui n’étaient pas à ses côtés lors du décès, se fondent peut-être sur le fait que la Comtesse, dont les connaissances médicales n’étaient pas négligeables, apporta probablement effectivement quelques soins médicaux personnels au général. Doit-on pour autant accuser du meurtre de Forestier celle qui partagea sa vie, celle dont il coucha le fils sur son testament, celle qui resta à ses côtés jusqu’à la dernière minutes et qui finança l’intégralité de ses obsèques ? C’est d’autant plus étonnant, que le médecin Chavernac qui témoigna avoir soigné Forestier et la Comtesse à plusieurs reprises, n’évoque pas l’usage du poison. Forestier, décédé en septembre, était malade déjà en février de la même année comme en témoigne sa propre correspondance : « Il est douloureux pour moi que la suite de mes travaux et peines diverses aient altéré ma santé… » écrit-il à Windham le 22 février 1806[5]. Sept mois de souffrance c’est long pour un empoisonnement… Il était malade. De quoi ? De maladie contractée durant la Virée de Galerne ? D’une maladie contractée durant ses voyages ? D’un « banal » cancer ? Fautes d’authentiques documents médicaux, impossible de savoir… Il est simplement décédé de maladie. Peut-être que la Comtesse d’Oeynhausen a laissé un témoignage dans ses archives personnelles, conservées aujourd’hui aux archives nationales de Tore do Tombo à Lisbonne. Mais ces archives n’ont pas été dépouillées, ni classées, ni inventoriées. Elles sont archivées en 150 cartons qui attendent les éventuels chercheurs.

Où fut inhumé Henri Forestier ?

La difficulté pour retrouver un lieu d’inhumation dans une ville comme Londres, est considérable, au regard du nombre de paroisse et de la diversité des dépôts d’archives. Difficultés accentuées, pour Henri Forestier, par le fait qu’il était catholique dans un pays qui ne l’est pas, qu’il faisait usage de divers noms, et que la date de l’inhumation restait un mystère. Les archives Londoniennes conservent de nombreux documents concernant la succession de Forestier. Ces documents nous révèlent des éléments qui vont nous permettre de localiser le lieu de son inhumation. Au-delà du fait que des témoins confirment que le général avait fait rédiger un testament en faveur du fils de la Comtesse d’Oeynhausen, qui devint de fait l’héritière de ses biens ; ce que contesta le chevalier Bertrand de Saint-Hubert, lieutenant de Forestier, qui réclama pour lui l’argent anglais afin de financer une nouvelle révolte dans l’Ouest[6]. Ces documents dressent la liste des pseudonymes qu’utilisait Forestier dans sa vie et ses actions clandestines. Ainsi lors de son décès se faisait-il appeler M. Obart, ce que nous confirme la correspondance échangée entre la Comtesse d’Oeynhausen et le Marquis de Fulvy, qui fut secrétaire de la Comtesse en Espagne puis de Forestier à Londres. Mais d’autres pseudonymes sont avancés : Pignerolle, ou encore Alfred Henry Marquis de Forestier. Ce dernier semblait d’ailleurs être son nom d’usage « officiel ». Dans ces documents, le marquis de Fulvy confirme également l’inhumation à Londres ; inhumation à laquelle il a d’ailleurs assisté[7] ; et le fait que la Comtesse ait organisée les obsèques. L’état civil anglais n’a été créé qu’en 1837. Avant cette date n’existent que les registres paroissiaux. Registres d’ailleurs très pauvres en informations puisque contrairement à la France, les témoins, dates et lieux de décès, cause du décès, filiation, métier, âge, etc. ne sont que rarement mentionnés. C’est donc auprès des paroisses anglaises qu’il fallait rechercher la trace de l’inhumation. Ce qui était d’autant plus difficile, que certaines paroisses conservent encore leurs registres alors que d’autres les ont déposés dans différents Centres d’Archives (Nationales Archives – British Muséum – London Metropolitan Archives…). C’est au London Metropolitan Archives qu’est malgré tout conservée une grande partie des registres des paroisses de Londres. L’inhumation devait avoir lieu relativement rapidement après le décès, les recherches s’orientèrent donc vers les diverses paroisses londoniennes sur une période allant du 14 septembre 1806 au 20 septembre 1806. C’est au 19 septembre 1806 que l’acte tant recherché fut enfin découvert. Les archives précisent en effet que le 19 septembre 1806 fut inhumé « Alfred Henry Marquis de Forestier » en la paroisse de Saint-Giles-in-the Fields[8]. Notons tout de suite que sous le nom du général est précisé cette mention : « StMartins (Chap Vlt) ». Précisions sur laquelle nous reviendrons. Ainsi donc le général Vendéen repose au cœur de Londres, non loin de Leicester Square, dans le West End, juste à côté d’un quartier très touristique de nos jours et très francophone à l’époque : Soho. Notons que son décès ne passa pas inaperçu, et fut annoncé dans la presse émigrée locale.

Détail du « bishop transcript » de St-Giles-in-the-Fields, septembre 1806 Le 19 : Alfred Henry Marquis de Forestier
Détail du « bishop transcript » de St-Giles-in-the-Fields, septembre 1806 Le 19 : Alfred Henry Marquis de Forestier

La paroisse Saint-Giles-in-the Fields

La petite paroisse devait pourtant nous réserver une surprise. C’est une paroisse anglicane… Pourquoi le général Vendéen y fut-il inhumé ? En vérité, en Angleterre les mariages des catholiques romains devaient obligatoirement être enregistrés sur les registres anglicans pour avoir une valeur légale. Aussi, les catholiques romains ont rapidement pris l’habitude de déclarer les actes au sein de ces mêmes paroisses, y compris les actes d’inhumation, en particulier en l’absence de lieu de sépultures entièrement consacré aux catholiques romains. La paroisse qui enregistra l’inhumation connue, reste à savoir si la tombe du général existe encore. Saint-Giles-in-the-Fields, est un édifice religieux qui remonte au XIIe siècle mais l’édifice actuel date du début du XVIIIème siècle avec quelques modifications à la fin du XIXème siècle. C’est au XVIIIème que la paroisse connue un grand développement qui se poursuivie jusqu’au XIXème siècle (la population de la paroisse s’élevait à 30 000 en 1830). Le quartier, comme ceux voisins de Soho et de Leicester square, était fréquenté par les Français depuis qu’ils avaient investi les lieux après la révocation de l’édit de Nantes en 1685. Mais ce développement ne fut pas sans conséquences… Le quartier surpeuplé devint un quartier pauvre, mal famé, véritable cour des miracles londonienne dont s’inspira Charles Dickens pour son « Oliver Twist ». Et le cimetière attenant à l’église devint, dès la fin du XVIIIème siècle, également rapidement surpeuplé. Il devint nécessaire d’ouvrir une extension à l’ancien cimetière. Cette extension fut consacrée en 1803, elle était située au nord de la paroisse et était intégrée à l’antique cimetière de Saint-Pancras.

La dernière demeure du général

Ainsi dès 1803, le cimetière de Saint-Pancras, reçut ses premières sépultures venant de la paroisse Saint-Giles-in-the-Fields. La population française, particulièrement présente donc dans les quartiers voisins, devait ainsi être fortement représentée dans ce cimetière de Saint-Pancras, où un carré des Français existait déjà. Henri Forestier fut-il inhumé dans ce nouveau cimetière ? L’étude de la transcription d’époque des registres de St-Giles nous en apprend plus. Outre l’identité du défunt, est précisé le lieu de son décès (ou de sa résidence) et le lieu de son inhumation (noté entre parenthèse). Pour Forestier est précisé : « St Martins » pour le lieu de décès ou de résidence, et « (Chap Vlt) »pour le lieu d’inhumation. « St Martins » reste un mystère. Est-ce « St-Martin’s Street » rue donnant sur Leicester square ? Dans ce cas, doit-on y voir le lieu de résidence ou le lieu du décès ? Ou est-ce la précision de la paroisse « St-Martin-in-the-Field » dont dépendait Leicester Square ? L’étude des mois et années précédentes et suivantes dans les même registres, n’ont pas permis d’apporter plus d’éclaircissement, si ce n’est qu’en comparaison avec les autres inhumations, c’est la première hypothèse qui semble s’imposer. Dans ce cas, pourquoi Forestier fut-il inhumé sur la paroisse St-Giles in the Fields, et non en la paroisse St-Martin ? Probablement parce que le secteur français, et catholique romain, de St-Pancras dépendait de St-Giles… Mais ce qui nous intéresse surtout c’est le lieu précis de l’inhumation : « Chap Vlt ». Les registres présentent généralement deux lieux principaux d’inhumation : « OG » et « NG » qui correspondent à « Old Ground » soit l’ancien cimetière, celui de l’église ; et « New Ground » soit le nouveau cimetière, celui de St-Pancras. Quelques autres lieux sont parfois notés (WHP, 7dials…). Entre 1804 et 1810, seules deux personnes portent la mention « Chap Vlt » : Henri Forestier et un certain « James Donaldson » inhumé le 27 mars 1807. Ce lieu d’inhumation reste donc exceptionnel… La signification de « Chap Vlt », aux dires des archivistes de Westminster interrogés sur le sujet, serait « Chapel Vault» soit un caveau dans une chapelle. Reste à identifier la dite chapelle… Dans l’église même de « St-Giles » existe une chapelle dite « Morning Chapel», mais les monuments funéraires encore visibles au sein de l’église sont connus et inventoriés. Aucun ne concerne Henri Forestier. Son monument (plaque ou autre) peut avoir disparu, mais les archivistes de St-Giles-in-the-Fields, n’ont à priori pas connaissance d’un éventuel caveau sous cette chapelle, ni trace d’une ancienne éventuelle inscription au nom de Forestier. De plus il semble difficile d’envisager qu’un catholique romain soit inhumé au cœur d’une église anglicane. Malgré tout, nous avons recherché dans les registres comment était mentionné le lieu d’inhumation des personnalités dont on peut encore voir le monument dans l’église. Ainsi par exemple la Comtesse de Kenmare, décédée en 1806 et inhumée dans l’église elle même, porte l’abréviation « (wev) ». Rien à voir donc avec notre « Chap Vlt »… Une autre hypothèse existe. Elle nous ramène vers le cimetière St Pancras. C’est à St Pancras, nous l’avons vu, qu’était inhumé un grand nombre de français, catholiques romains. Il ne serait donc pas extraordinaire de devoir y chercher la tombe du général vendéen. Or en 1804, y fut érigée une chapelle relevant de « St-Giles-in-the-Fields » qui apparaît sur ce plan conservé à La British Library et daté de 1815 : 

plan conservé à La British Library
Plan conservé à La British Library

La revue « Gentleman magazine » de 1805, 1812 et 1816 nous donne quelques explications et illustrations de cette chapelle en briques :

St-Giles-in-the-fields chapel
Chapel of St-Giles-in-the-fields
Inscription de la facade de la chapelle de St-Giles-the-Fields dans le cimetière de St-Pancras
Inscription de la facade de la chapelle de St-Giles-the-Fields dans le cimetière de St-Pancras

 

La chapelle fut consacrée en 1805 :

St. Pancras ; being antiquarian, topographical, and biographical memoranda, relating to the ... Parish of St. Pancras, Middlesex - Samuel Palmer - 1870
St. Pancras ; being antiquarian, topographical, and biographical memoranda, relating to the … Parish of St. Pancras, Middlesex – Samuel Palmer – 1870

Est-ce dans cette chapelle du nouveau cimetière de « Saint-Giles-in-the-Fields » à St-Pancras que fut inhumé le héros Vendéen ? C’est très possible. La proximité de ses pairs inhumés dans le carré français voisin, comme le chevalier d’Eon (inhumé en 1810), Richard Dillon, archevêque de Narbonne (inhumé là en 1806), ou encore le Comte Louis Charles d’Hervilly, le héros de la bataille de Quiberon mort à Londres des suites des blessures en 1795, (ou encore Paoli inhumé ici en 1807), et la consécration catholique et romaine des lieux plaident en faveur de cette hypothèse.

Vue du cimetière de Saint-Pancras au début du XIXème siècle
Vue du cimetière de Saint-Pancras au début du XIXème siècle

 

Saint-Pancras en 1805
Saint-Pancras en 1805

 

Phil Emery dans le n° 88 de Mai-Juin 2006 de la Revue « Archéology »  évoque Saint-Pancras ainsi : « Longtemps associé à la communauté catholique romaine de Londres, St Pancras est devenue le lieu naturel de repos pour les  réfugiés de la révolution française. Ainsi en est-il des familles aristocrates et leurs domestiques fuyant l’escalade de la terreur (Septembre 1793-Juillet 1794), des migrants économiques tels que les artisans produisant des articles de luxe et dont le commerce à Paris s’était effondré. En outre, quelques 5000 prêtres refusant de signer le serment d’allégeance à la constitution civile du clergé, et craignant la déportation vers la Guyane française,ont également demandé l’asile. Beaucoup d’entre eux se sont installés dans Somers Town et Bloomsbury, et plusieurs centaines sont connus pour avoir été enterrés à St Pancras . » En 1850 il y avait 1 213 sépultures de résidents de la paroisse St Giles dans le cimetière de St Pancras… Ce cimetière à son tour manqua rapidement de place. Si bien qu’il fut fermé aux inhumations en 1854. Il est vrai, que les tombes de tous ces étrangers inhumés ici loin de leurs proches y étaient laissées à l’abandon.  L’architecte George Godwin fit cette description du cimetière de Saint-Pancras en 1854 : « Le sol de St Pancras est d’un spectacle affligeant. Les pierres – une assemblée d’esprits rancuniers – s’écroulent de toute part. Les concessions sont toutes louées jusqu’à leur derniers retranchement et les allées pavées sont détruites tant est tremblante et instables l’état de cet amoncellement. Les inhumations en fosse publique sont encore pratiquées. La dernières fois que nous sommes venus, nous avons trouvé un trou avec 6 cercueils à l’intérieur attendant encore de doubler ce chiffre. » Charles Dickens écrivit même dans son roman «Le Conte de deux cités » que ce cimetière était autrefois une source pour les facultés de médecine, et était fréquenté par les pilleurs de cadavres… La vieille église elle-même délabrée, avait cédée la place à une nouvelle dès 1822. Cette vieille église devenant ainsi « Saint-Pancras Old Shurch » nom qu’elle porte encore de nos jours ainsi que le cimetière.

Vue du cimetière de St-Pancras au XIXeme siècle - Sur la gauche à peine visible et en partie dissimulée par les arbres : la chapelle St-Giles-in-the Field. Entre la chapelle et l'église le grand bâtiment abritait une taverne connue sous le nom de Adam & Eve détruite à la fin du XIXème siècle
Vue du cimetière de St-Pancras au XIXeme siècle – Sur la gauche à peine visible et en partie dissimulée par les arbres : la chapelle St-Giles-in-the Field. Entre la chapelle et l’église le grand bâtiment abritait une taverne connue sous le nom de Adam & Eve détruite à la fin du XIXème siècle
Saint-Pancras & The adam & Eve - XIXe siècle
Saint-Pancras & The adam & Eve – XIXe siècle

 

La destruction du cimetière français et la création du St-Pancras Garden

En 1860, la Midland Railway Company acheta une partie du cimetière de St-Giles-in-the-fields à St-Pancras pour y faire passer une ligne de chemin de fer et surtout construire la gare de St-Pancras. Un des ingénieurs, Thomas Hardy, devait en particulier veiller à l’exhumation des corps. Le carré français fut en particulier détruit ; et c’est plus de 10 à 15000 corps qui furent ainsi envoyé en fosses communes, non sans soulever quelques protestations dans la population. Thomas Hardy décida de réunir un grand nombre de pierres tombales autour d’un arbre dans la partie préservées du cimetière. Celle de Forestier est-elle une d’entre elle ? De nos jour l’arbre a grandi en faisant corps avec les pierres, et on peut encore le voir non loin de la « Old church » de St-Pancras.

Les pierres tombales du Hardy’s tree. Celle de Forestier y figure-t-elle ? © Frédéric Augris
Les pierres tombales du Hardy’s tree. Celle de Forestier y figure-t-elle ? © Frédéric Augris

En vérité, s’il n’est pas impossible que la pierre tombale de Forestier est été disposée au pied du Hardy’s tree, la chose est peu probable à moins d’envisager la destruction de la chapelle lors de la création de la gare.

En vérité la partie du cimetière où était la chapelle fut préservée lors de la construction de la gare. Cette partie existe même encore, et fut transformée en un jardin inauguré en 1891. Il s’agit du St-Pancras Garden, qui se visite encore aujourd’hui, lieu de promenade et de jeux pour les enfants, arboré et fleuri et où sont encore conservées quelques tombes… Le nouveau cimetière fut inauguré en 1866, et un article du Morning Post of London, daté du 4 juillet 1866 nous prouve bien que la chapelle de St-Giles-in-the Fields existait encore : 

“The bishop of London had appointed one o’clock P.M for the ceremony of consecration, and shortly after that hour arrived at the old mortuary chapel of St Giles-in-the-fields, Old St Pancras road” De même sur cette vue du Burdett Coutts Mémorial Sundial inauguré en 1879 où l’on aperçoit l’arrière de la chapelle, ce qui nous permet également de mesurer la taille relativement imposante du bâtiment.

Saint-Pancras Garden, fin XIXe siècle - au fond, la chapelle St-Giles-in-the-fields où repose le général Forestier
Saint-Pancras Garden, fin XIXe siècle – au fond, la chapelle St-Giles-in-the-fields où repose le général Forestier

Quant à la chapelle elle-même, elle fut rapidement attachée à une école qui apparaît sur les anciens plans de Londres déjà en 1868. Il s’agit de la « St-Pancras Charity School » qui accueillait des jeunes filles pauvres ou orphelines, les formait pour devenir domestique dès l’âge de 14 ans. C’est ce qui est expliqué dans le livre ” Saint Pancras Past and Present” de Frédérick Miller  -1874 .

 

Malheureusement, les recherches sur cette école n’ont pas permis à ce jour de trouver plus de précisions sur la chapelle, et encore moins sur la présence de caveaux en son sein.  L’école est mentionnée sur des plans de la ville jusqu’à la fin du XIXème siècle…

Plan de 1843 – La chapelle est notée “St Giles Chap”
Plan de 1868 - La chapelle est devenue "Old St Pancras Natl Schls"
Plan de 1868 – La chapelle est devenue “Old St Pancras Natl Schls”

 

Plan de 1889 - L'école existe toujours (School)
Plan de 1889 – L’école existe toujours (School)

 

Par contre sur le plan ci-dessous daté de 1916, l’école n’apparaît plus, elle aurait donc été détruite, et la chapelle avec (en rouge la maison du gardien construite en 1890 et en jaune des escaliers menant vers l’intérieur du parc).

Saint-Pancras 1916
Saint-Pancras 1916

Ce que confirmerait cette photographie de l’entrée du parc datée de 1891 et situé approximativement à l’emplacement de la chapelle.

Saint-Pancras

Nous n’avons pas trouvé de précision quant à la date exacte et les raisons de la destruction de l’école et de la chapelle, mais il est possible que si la chapelle fut bien intégrée à l’école, elle fut détruite en même temps vers 1890 lors de l’aménagement du lieu en parc. Nous n’avons pas plus découvert de rapports, ou d’articles, mentionnant cette destruction et l’éventuelle découverte de caveaux. Quoiqu’il en soit, de nos jours à l’emplacement de la chapelle, à l’entrée du « St-Pancras Garden », rien ne rappelle l’existence en ce lieu de l’ancienne chapelle catholique romaine de « St-Giles-in-the Fields ». Si Forestier y fut inhumé que sont devenus ses restes ? Détruit avec la chapelle et l’école à la fin du XIXème siècle ? Ou reposent-ils encore dans le sous sol de St-Pancras ?

L'entrée actuelle mène à l'emplacement de l'ancienne chapelle (à Gauche (1) la maison du gardien ; à droite St Pancras Old Church)
L’entrée actuelle mène à l’emplacement de l’ancienne chapelle (à Gauche (1) la maison du gardien ; à droite St Pancras Old Church)

 

Plan actuel (les constructions apparaissent en marron (1 : La maison du gardien - C : l'emplacement supposé de l'ancienne chapelle) et les tombes encore existantes en rouge)
Plan actuel (les constructions apparaissent en marron (1 : La maison du gardien – C : l’emplacement supposé de l’ancienne chapelle) et les tombes encore existantes en rouge)

 

Peinture de Robert Banks représentant la chapelle St-Giles-in-the-Fields en 1814 - Collection du London Metropolitan Archives
Peinture de Robert Banks représentant la chapelle St-Giles-in-the-Fields en 1814 – Collection du London Metropolitan Archives

Informations complémentaires suite à des recherches menées en mars 2022 aux Archives de Camden (Merci à David du Site The London Dead)

En janvier 1857, le ministère de l’Intérieur britannique ordonne la fin des inhumations dans la chapelle. Les administrateurs dans leur réponse évoquent les personnes déjà inhumées :

“request that the rights of persons who have purchased private vaults (nine in number) may not be affected by the contemplated order”

L’une de ces neuf personnes inhumées là, était le général Forestier, et les administrateurs demandaient donc que sa sépulture (et celle des huit autres personnes) soient maintenues en place dans la chapelle.

C’est précisément en 1860 que la chapelle devint une école pour filles. A cette occasion, les archives précisent que les lieux soient aménagés. Il est probable que cet aménagement ait concerné les “meubles” incompatibles avec la transformation en école (bancs, autel…), mais pas les cercueils qui, par définition, étaient inhumés ou conservées dans un caveau, et donc ne gênaient pas l’aménagement. Il aurait fallut pour cela que la chapelle soit désacralisée, ce qui n’était pas le cas puisque, bien que transformée en école, elle était toujours administrée par Saint-Pancras.

Ces derniers éléments nous poussent donc à envisager qu’effectivement, le sort de la dépouille du général, c’est jouée probablement lors de la destruction de l’école, certainement vers 1890…

A suivre…

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