Qui n’a jamais entendu parler de Joseph Bara, jeune soldat de 14 ans qui selon la légende révolutionnaire durant les guerres de Vendée en défendant des chevaux fut tué le 7 décembre 1793 à Jallais (Maine-et-Loire) par des combattants royalistes pour avoir préféré crier “vive la République” que “vive le Roi” ?
Pour rappel, voici ce que l’on peut dire succinctement sur Joseph Bara.
Joseph Bara, né la veille, est baptisé sous les prénoms de François Joseph à Palaiseau le 30 juillet 1779, fils de François Bara garde-chasse de la seigneurie de Palaiseau et demeurant au château et de Marie Anne Leroy.
Joseph est le troisième fils et l’avant-dernier enfant d’une fratrie de dix. Son père décède le 6 octobre 1784, laissant la famille dans la précarité.
Nous savons que les deux frères ainés de Joseph Bara entrent rapidement dans l’armée, certainement pour aider financièrement leur mère.
Lorsque le Prince de Condé qui était le seigneur de Palaiseau émigre durant l’été 1789, son capitaine des chasses, Jean-Baptiste Philippe d’Estimauville gère le château. Il est originaire de Pont-L’Évêque comme la famille de Marie Anne Leroy au service de la sienne depuis plusieurs décennies, créant certains liens. Ainsi, nous retrouvons Jean-Baptiste Philippe d’Estimauville témoin du mariage des parents de Joseph Bara en 1766.
En 1792, Marie Anne Leroy fait placer son fils Joseph au service de Jean-Marie d’Estimauville (fils du précédent), révolutionnaire convaincu s’étant engagé en août 1792 dans les volontaires nationaux sous le patronyme de Desmarres. Nommé adjudant-général à l’armée des côtes de Brest, Desmarres part commander la place de Bressuire. Malgré son jeune âge, Joseph en tant que palefrenier l’accompagne en Vendée. En décembre 1793, Desmarres reçoit l’ordre d’occuper Jallais ; en date du 7, lors d’une escarmouche avec les Vendéens Joseph Bara est tué. Dantoniste, ayant caché sa noblesse, Desmarres est destitué par Turreau, incarcéré et exécuté le 31 janvier 1794.
Mais, avant son arrestation, le 8 décembre Desmares pour essayer de faire pardonner ses échecs, mais aussi probablement réellement inquiet par la situation matérielle de la famille Bara écrit à la Convention. Il y annonce la mort héroïque de Joseph laissant une mère sans ressources. De ce courrier va naitre la légende.
“J’implore ta justice, citoyen ministre et celle de la Convention pour la famille de Joseph Barra ; trop jeune pour entrer dans las troupes de la République, mais brûlant de la servir, cet enfant m’a accompagné depuis l’année dernière, monté et équipé en hussard : Toute l’armée a vu avec étonnement un enfant de treize ans affronter tous les dangers, charger toujours à la tête de la cavalerie ; elle a vu, une fois ce faible bras terrasser et amener deux brigands qui avaient oser l’attaquer. Ce généreux enfant, entouré hier par les brigands, a mieux aimé périr que de se rendre et de leur livrer deux chevaux qu’il conduisait. Aussi vertueux que courageux, se bornant à sa nourriture et à son habillement, il faisait passer à sa mère ce qu’il pouvait se procurer. Il la laisse avec plusieurs filles, et son jeune frère infirme sans aucune espèce de secours. Je supplie la Convention de ne pas laisser cette malheureuse mère dans l’horreur de l’indigence ; Elle demeure à Palaiseau, district de Versailles.”
Barère lit sa lettre à la Convention, et une pension est octroyé à sa mère (décédée en décembre 1809). Robespierre demande quant à lui sa panthéonisation, évènement qui n’a pas lieu suite à Thermidor.
Le mythe Barra commencé début 1794 reprit lors de la IIIe République. Et ce jeune palefrenier dans l’iconographie devient hussard et même jeune tambour (cf. tableau de Charles Moreau-Vauthier en début d’article).
De leur côté les Royalistes donnent une autre version, celle d’un voleur de chevaux. Le concernant, la mémorialiste royaliste La comtesse de La Bouëre indique :
“En revenant à la Chapelle-Rousselin, les Vendéens eurent encore affaire à deux bataillons ennemis qui arrivaient de Cholet, en passant par Jallais où ils venaient de mettre le feu, avaient délivrés les leurs qui étaient prisonniers à la Chapelle et massacrés ceux qui les gardaient. Ces deux bataillons furent complétement détruites, à l’exception de deux cavaliers qui se sauvèrent en se tenant à la queue de leurs chevaux. Leurs camarades morts furent jetés et enterrés dans les fossés à gauche de la route pour aller à Jallais vis-à-vis de l’étang de la Guerche.
Desmares fut dénoncé comme traitre auprès du général Turreau, il fut incarcéré et jugé , le 30 janvier 1794, à Angers. Il était accusé d’ineptie, d’avoir sous le nom de D’Estimonville, servi dans le régiment de Royal-Artillerie, en 1791, et pris celui de Desmares pour mieux trahir la République. Malgré ses dénégations et ses professions de foi républicaines, il fut condamné et exécuté sur la place du Ralliement. Il parait que le jeune Joseph Barra était le domestique de l’adjudant général Desmares, et qu’au moment de l’attaque de Jallais, il prit les chevaux de son maître, qui, d’après la procédure du procès fait à ce général se serait mis à fuir à pied, abandonnant ses armes dans la chambre qu’il occupait, quoiqu’il eut quinze cents hommes sous son commandement.
Ce serait donc à Jallais que ce petit domestique vêtu en hussard a été tué, et qui devait, d’après la Convention, devenir une célébrité. D’abord, on lui accorda par un décret les honneurs du Panthéon, le peintre David fit son portrait. Plus tard, Robespierre voulant, disait- il, “célébrer la bravoure des jeunes Barra et Viala”, proposa une fête nationale où deux tableaux faits par David devaient être portés en triomphe au Panthéon, le 10 thermidor. Cette fête, où devaient se trouver tous les conventionnels, était imaginée pour se saisir, a-t-on dit, de tous ceux que Robespierre redoutait, mais il fut prévenu le 9 Thermidor.
Ce jeune Barra, qui n’était peut-être, qu’un petit pillard, a été peint aussi alors à Angers, il était représenté au milieu de paysans déguenillés à figures sinistres, et encore plus de moines et de prêtres que de paysans ; tandis que dans ces petites rassemblement, il n’y en avait pas un seul, mais c’était pour exciter la haine contre la religion. David, peintre d’Angers, a fait, en 1830, une statue de Barra tenant une cocarde sur son cœur , elle est peinte de couleurs pour être plus significative ; cette statue en plâtre est au musée d’Angers.”
Ce que l’on peut dire concernant le décès de Joseph Barra est que ses circonstances exactes nous sont en fait inconnues, le mythe ayant longtemps occulté les imprécisions. En effet, la jeune victime révolutionnaire fut utilisée pour occulter la part d’ombre de cette tragique guerre fratricide.
Recensement de 1792 de Palaiseau
Aux archives des Yvelines, peuvent être consultés en ligne, les recensements de population dont ceux indiqués de Versailles concernant l’année 1792 et cotés 1L 445 à 1L 448. Ce recensement concerne plus précisément le district de Versailles dépendant du département de Seine-et-Oise tel qu’il était en 1792 (toutefois celui de la ville Versailles est absent). De 1790 à 1795, ce district était composé des canton de Versailles, Chevreuse, Jouy, Limours, Longjumeau, Marly, Palaiseau, et Sèvres. On y trouve donc intégrées des communes des Haut-de Seine et de l’Essonne. C’est ainsi que, durant des recherches sur une famille demeurant à Versailles à cette période, nous avons compulsé ces recensements et remarqué ces quelques renseignements ci-dessous concernant la famille Bara et objets de cette glane.
Et concernant le recensement de 1792, effectué en date du 1er mars 1792 sont indiqués Marie Anne Le Roy journalière habitant à Palaiseau depuis 28 ans et née à Pont-L’évêque et sept enfants dont Joseph âgé de 13 ans apprenti se trouvant à Paris.
Dans une liste établie par la police municipale de Palaiseau le 7 pluviôse an II (26 janvier 1794) référençant les citoyens de Palaiseau absents de la commune car “étant partis pour la défense de la République”, nous pouvons lireles prénoms et noms de Joseph, Louis François et François Nicolas Bara. Notons qu’à cette date, Joseph est décédé depuis plus d’un mois et que ce décès est connu à la Convention.
Certes, ces quelques renseignements concernant la famille de Joseph Bara ne sont pas d’une importance majeure mais méritent néanmoins d’être signalés.
Lire notamment :
Etienne Charavay, Documents et autographes révolutionnaires, la fête de Bara et de Viala, La Révolution française: revue d’histoire contemporaine, Société de l’histoire de la révolution française, (Paris, France), 1881 https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k116238r
Simonne Loidreau, Les légendes républicaines de la Révolution, Sv, Noël 1979, n°129
Raymonde Monnier, Le culte de Bara en l’an II, Annales historiques de la Révolution française, n°241, 1980. Pour le centième anniversaire de la naissance de Joseph Bara. pp. 321-344. www.persee.fr/doc/ahrf_0003-4436_1980_num_241_1_4369
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