Les familles Bureau de Loire-Inférieure : Une lettre accusatrice
Aux archives départementales de Loire-Atlantique existe un dossier coté L312, qui renferme un certain nombre de pièces étonnantes. En particulier la lettre anonyme suivante que l’on peut dater de 1797 :
“Il est aussi scandaleux pour les bons patriotes de voir le sieur Bureau dans l’administration qu’il est indélicat à lui d’y rester, et de percevoir les honoraires attachés à la place d’administrateur. Nous disons indélicat parce qu’il professe publiquement des principes contraires et opposés à la Révolution, et parce que, depuis qu’il est administrateur, il n’a pas fait le travail de l’homme le moins laborieux, si vous ôtez de ses œuvres quelques mandats, mal fait encore, qu’il a délivrés pour faire payer des prêtres réfractaires, dont il est l’apôtre et le protecteur spécial. Cet administrateur, électeur en même temps, n’a paru qu’une seule fois aux élections de curés constitutionnels. Il fut invité par la municipalité à l’installation de celui de Clisson, il n’y parut pas, et jamais on ne l’a vu à sa messe. Son civisme et sa conduite ont fait et font tous les jours d’autant plus d’impression sur les esprits que cet homme honnête, au patriotisme prêt, jouissait de la confiance publique. S’il se fut montré patriote, comme il le devait par honneur et par délicatesse, son exemple eut entrainé la majeure partie des habitants de notre ville et des paroisses voisines, et la paix régnerait dans ce pays. Il est donc blâmable et plus blâmable qu’un autre, de rester dans une administration dont toutes les opérations lui déplaisent. Il les improuve hautement dans tous les cercles aristocratiques, les seuls dans lesquels il se retrouve. Par son incivisme notoire, il a entraîné dans le parti aristocratique quantité de gens qui étaient d’excellents patriotes, et par ses menées et celles de son parti, il est parvenu à composer toute notre municipalité d’aristocrates. Son beau-frère en est le chef. Dans la nuit du 8 au 9 décembre dernier, des ennemis de la Révolution montaient la garde sans ordres du commandant. Celui-ci, passant devant un des deux corps de garde, fut insulté et même mis en joue par ces mal-intentionnés. Comme cette affaire fit du bruit dans la ville, elle parvint aux oreilles du sieur Bureau qui, à la tête de trois ou quatre aristocrates comme lui, du nombre desquels était le sieur Forget, procureur syndic, allant de rue en rue, rencontra une patrouille de gardes nationaux commandée par le sieur Clisson, vitrier. Il lui dit en l’abordant d’un ton fort brusque : Que faites-vous ici ? Vous seriez bien mieux chez vous. Apportez-moi votre mémoire demain. Remarquez, Monsieur, que le sieur Clisson est un excellent patriote, et que tous ceux de ce parti sont, par le sieur Bureau et par sa famille, traités d’enragés. En un mot, Monsieur, il fait autant et plus de mal dans le pays et les environs que les prêtres insermentés. Purgez l’administration de ce membre indigne, et délivrez les administrateurs d’un homme qui ne cherche qu’à contrarier leurs avis les plus sages. Le sieur Bureau n’étant pas assez délicat pour se retirer lui-même, contraignez-l ‘y. Le sieur Forget, procureur syndic, partageant les sentiments de son cousin Bureau, mérite le même sort. Que votre décision leur soit (…) commune. Les affaires de l’administration en iront mieux, et vous obligerez tous les bons patriotes du pays. J’ai quelques raisons pour ne pas signer ces faits, mais ils ne sont pas moins vrais. Si vous voulez vous assurer, demandez l’avis des autres membres du District. Ils sont trop bons patriotes pour ne pas le donner. Consultez encore à ce sujet les municipalités patriotes de Saint-Fiacre, de Vertou et de La Chapelle-Heulin, et plus de deux mille administrés du District. Alors vous aurez plus de preuves qu’il n’en faut pour juger ces deux Messieurs.” Cette lettre courageuse et sympathique allait lancer les foudres de l’administration de l’époque sur Bureau ; ou plus exactement sur LES Bureau. En effet cette missive anonyme ne précise pas de quel Bureau il s’agit, or dans la région du sud de Nantes le patronyme est particulièrement répandu. Peut-on identifier le Bureau dénoncé ? Plusieurs furent inquiétés suite à cette lettre… Jacques Jean Benoit Bureau de La Boissière. Le général Grouchy croit reconnaître l’accusé de la lettre anonyme et en fait part aux autorités de Loire-Inférieure : “Bureau de la Boissière, aide de camps d’abord de Charette puis de Stofflet. Cet individu est âgé de 22 ans environ (il est roux), il se tient à La Boissière, et chasse souvent. Il est nanti d’un fusil à deux coups. Mon intention était de le faire arrêter, car il est certain qu’il est complice des menés des royalistes dans ce département et qu’il néglige aucune occasion de rallumer la guerre, soit par ses propos, soit autrement.” (Source : AD44 – L312)
Dans un autre courrier daté du 23 frimaire an VI (13 décembre 1797) adressé à Legal, Commissaire de la république en Loire-Inférieure, Grouchy confirme ses soupçons. Si bien que ce Bureau, prénommé Jacques-Jean-Benoit est placé sous plus ample surveillance et doit délivrer auprès de l’administration municipale du canton du Loroux, une attestation de bonne conduite :
“Vu la pétition du citoyen Jacques Jean Benoit Bureau en date du 3 pluviose courant (23 janvier 1798), tendant à obtenir une attestation de bonne conduite. La commission administrative renvoie le pétitionnaire vers l’administration centrale du département de La Loire-Inférieure, déclarant au surplus qu’il n’a été porté contre lui aucune plainte depuis la pacification de la Vendée, si ce n’est qu’il est resté armée” (Source : AD44 – L312).
Jacques Jean Benoit Bureau est le fils de Jacques Bureau de La Bossardière, écuyer, et de Françoise Gabrielle Maunoir. Ils vivent à La Boissière-du-Doré (Loire-Atlantique) où Jacques Jean Benoit est né le 3 février 1774. Les Bureau de La Bossardière puis de La Boissière, appartiennent à une vieille famille de magistrats et commerçants de la région Nantaise. Jacques Jean Benoit, que l’on surnomme “Poil Rouge” (source : AD 44 – L1008), n’a que 19 ans lorsqu’éclate la guerre civile en 1793. Il rejoint l’armée vendéenne et sert sous les ordres du général Lyrot. Il commande une petite division autour de Vallet (44) avant de se mettre finalement sous les ordres de Charette dont il devient l’aide de camps. Durant la guerre sa famille devait payer le prix fort : son père également insurgé, fut capturé et exécuté à Nantes en décembre 1793. Son oncle Sébastien Bureau, recteur de Saint-Nazaire puis maire de cette ville en 1790, refusa la constitution civile du clergé en 1791. En 1793 il rejoint l’insurrection vendéenne en tant qu’aumônier. Emporté dans la campagne d’outre-Loire il est séparé du reste de l’armée lors de la déroute du Mans le 13 décembre 1793. Il tente alors de revenir vers la Loire et trouve refuge à Saint-Mars-du-Desert (44) caché par des habitants du lieu-dit La Gaudelinière. Il décide finalement de se cacher au cœur des marais où il sera retrouvé probablement mort d’épuisement le 13 janvier 1794. Il sera inhumé dans une pièce de terre nommé Déliard près du village de la Déchausserie (Source : registres d’état civil de Saint-Mars-du-Désert, acte du 7 ventôse an VI (25 février 1798). Un cousin germain, Grégoire Bureau de La Bourassière dut fuir la guerre et vivre en exil malgré son jeune âge (14 ans en 1793) (Source : Service Historique de l’Armée de Terre – 1K45 carton 41). Un autre cousin (du 3eme au 4eme degré) Jacques Louis Bureau de La Godinière (ou de La Gaudinière) s’insurgea dès 1794 à l’âge de 14 ans et fut blessé au combat à plusieurs reprises. L’oncle de ce dernier, Louis Bureau de Laubretière, joua un rôle plus ambigu. Maire de La Boissière, grosse fortune, bien que membre d’une famille ouvertement royaliste, il aurait été “indicateur” du commissaire cantonal (source : “Promesses et déchirements aux temps du District de Clisson” – Daniel Renault).
La guerre civile frappa donc de plein fouet cette famille Bureau. Jacques Jean Benoit finit par abandonner Charette pour rejoindre le général Stofflet en 1794 qui le nomma à la tête de la cavalerie de la division du Fief-Sauvin. Mais après la mort de Stofflet en février 1796, puis de Charette en mars, il dépose les armes le 18 avril 1796. Les autorités lui remettent alors le certificat suivant :
“Jacques Bureau, ci-devant lieutenant-colonel de la cavalerie des insurgés de la partie du Fief-Sauvin sous les ordres de Stofflet, né à la Boissière-du-Doré, département de Loire-Inférieure, âgé de vingt-et-un ans, taille de 5 pieds, 4 pouces, étudiant avant la guerre, ayant fait sa soumission aux lois du gouvernement légitime de la république, a déclaré vouloir vivre paisiblement dans sa commune natale, promettant d’abandonner le parti des rebelles et de seconder autant qu’il dépendra de lui le rétablissement de la paix et du bon ordre dans le pays (…)” (source : AD44 – L312).
Avec un tel passé, il semble logique qu’il ait été soupçonné d’être le Bureau accusé anonymement en 1797… Il tenta de se disculper par écrit le 26 messidor an VI (14 juillet 1798) :
“(…) Serais-je toujours errant dans ma patrie, ou en crainte de porter les fers et de languir dans les prisons ? Ne suis-je pas assez payé pour avoir pris part à la malheureuse insurrection de mon pays, n’étant alors qu’un enfant susceptible de toute impulsion ? (…) ” (Source : AD 44 – L312).
Et il écrit à nouveau le 3 septembre suivant (lettre adressée au Commissaire du Directoire Exécutif) :
“Je suis continuellement recherché par la force armée et réduit à vivre caché ; cependant j’ai rempli les obligations imposées à tous les vendéens révoltés. J’ai déposé mes armes, j’ai fait ma soumission aux lois de la République à laquelle j’ai tenu et tiendrai toujours, je n’ai rien fait depuis qui puisse donner de l’inquiétude au gouvernement. Tous ces faits sont attestés par la municipalité de mon canton. Que me reste-t-il donc à faire pour obtenir ma sûreté et ma liberté ? On a trouvé il est vrai, lorsqu’on a fait perquisition de ma personne, une arme chez moi qu’on a saisie, mais considérez la circonstance. J’avais, comme tant d’autres, à craindre les chauffeurs qui paraissaient se montrer dans le canton, voilà la cause de l’emplette de ce fusil…” (Source : AD44 – L312).
Il semble que ces lettres aient trouvées un écho puisque qu’en septembre 1798, il fut autorisé à rentrer chez lui et les poursuites à son encontre prirent fin provisoirement puisqu’il fut remis sous surveillance en 1799… Il devint maire de La Boissière-du-Doré en 1810 et fut fait Chevalier de Saint-Louis sous la Restauration. Il est décédé à La Boissière le 19 mars 1834. Mais, malgré son passé et les soupçons de Grouchy, il semble que pour les autorités Jacques Jean Benoit Bureau ne soit pas forcément la personne accusée dans la lettre anonyme. En effet, au même moment un un autre Bureau a droit lui aussi à des perquisitions en règle. Louis Bureau de La Batardière. Cette famille Bureau de La Batardière prend naissance au cœur du négoce Nantais. Certains historiens pensent que cette famille Bureau de La Batardière descend de Estienne Bureau de La Morinière (1612-1691) également ancêtre des Bureau de La Boissière. C’est une erreur. Les Bureau de La Batardière descendent de Jacques Bureau de La Mortalière. Ce dernier a bien un frère Julien, mais les descendants de ce dernier se retrouvent à Vertou ; et un second frère Jean Bureau de La Chardonnière dont les descendant s’installèrent à Clisson. Il y aurait pourtant bien un lien lointain de parenté entre les Bureau de La Batardière et les Bureau de la Boissière. Des liens de cousinages apparaissent à la fin du XVIIéme siècle dans quelques actes, mais ces liens restent à définir. Mais revenons à Louis Bureau de La Batardière. Pourquoi fut-il également inquiété en 1797 ? Ce dont il protesta par une lettre du 2 prairial an VI (21 mai 1798) :
“Réintégré par ordre du gouvernement dans les droits de citoyen dont l’avait cru par ordre de sûreté devoir me priver momentanément, je sollicite de votre votre justice la remise des armes mentionnées au reçu du maréchal des logis de gendarmerie de Clisson que je joins ici avec le permis des généraux Avril et Grouchy. Ces armes, citoyens, font ma sureté et celle de ma maison de La Batardière absolument isolée et située sur le bord d’un grand chemin.” (Source : AD 44 – L312).
Ce Louis Bureau a pourtant de quoi être soupçonné. Gros propriétaire foncier et négociant Nantais, il était auditeur à la Chambre des Comptes de Bretagne. Il épouse à Nantes le 21 janvier 1765 Anne Marguerite Geslin. Il devint avant 1775 Gouverneur de Machecoul. Quelques précisions s’imposent sur la famille de son épouse. L’épouse de Louis Bureau est la fille de René Geslin (décédé à Nantes le 18 décembre 1759) et de Marguerite Beguyer de Chancourtois. Elle est née le 6 novembre 1746 et a un frère aîné, René Geslin, né à Nantes le 14 mai 1739 dont nous reparlerons ; et une sœur cadette, Marie-Jeanne, qui épousera Simon Plumard de Rieux, dont nous reparlerons également. Louis Bureau est une grosse fortune, membre éminent de la haute bourgeoisie Nantaise. Il se fit remarquer en particulier en 1787 en étant un des principaux souscripteurs pour le réaménagement de la place Graslin (alors place de la Comédie). Député du Tiers-état, partisan de la Révolution, il n’hésite pas à faire don à la Patrie d’une… paire de boucle en argent, et à acheter des biens nationaux sur Vertou et La Haie-Fouassière (source : AD44 – 2M145). Mais rapidement il semble que ses opinions pro-républicaines devaient s’infléchir ; il fut même suspecté d’émigration en 1792 comme en témoigne cette lettre du 7 septembre 1792, écrite en son nom aux administrateurs du département :
“L’on a enlevé ce jour de la maison de La Batardière, appartenant au sieur Louis Bureau, deux chevaux servant uniquement à l’usage de la dite maison, qui ne sont point des chevaux de luxe. Ce ne peux donc être que dans la supposition que le dit sieur Bureau est émigré. Etant en vérité en retard de produire un certificat de résidence (…), il est actuellement à la terre de la dame Geslin, sa belle-mère, à Praville près Chartres….” (source : AD 44 – L286).
En 1793, il n’aurait pas tenté de prendre part à la révolte, sans s’y opposer pour autant. Pourtant l’historien Jacques Crétineau-Joly précise qu’il se serait vu confié une mission par les généraux Vendéens auprès du Roi d’Espagne en 1793 ; et aurait été proscrit, obligé de se cacher durant plusieurs mois sur les bords de l’Erdre et vers le Croisic… En 1794, sa nièce Adélaïde Marguerite Geslin (fille de René) épouse un officier Républicain, Jean Baptiste Charles Bertrand, capitaine et aide de camps du général Canclaux. Ce dernier entrera dans l’histoire de Nantes sous le nom de Bertrand-Geslin. Excellent soldat, en lutte contre les insurgés il s’est illustré sur plusieurs champs de batailles. Cette union nous éclaire sur les opinions de cette famille Geslin, d’autant que peu de temps après le mariage, le seul frère d’Adélaïde Marguerite fut tué par les Vendéens. Louis Bureau bénéficia-t-il de la protection du capitaine Républicain ? Possible, Louis Bureau retrouva en effet une certaine et relative tranquillité à partir de 1794. Et c’est à la fin de cette année, qu’il devait entrer dans l’histoire. A cette époque, il fait la connaissance à Nantes d’un créole installée à Nantes depuis peu, Madame Gasnier. Cette dernière est la voisine de Ruelle Représentant de la Convention ; et elle protège, en la faisant passer pour une simple cuisinière, Marie-Anne Charette la sœur du général Vendéen. Madame Gasnier sait que la paix est envisagée par la République, et présente Marie-Anne Charrette à Louis Bureau. Ce dernier est apprécié par Ruelle qui n’hésite pas à le qualifier d’homme instruit et patriote (Source : Claude Pierre Dornier – “Une mission en Vendée Militaire” – Editions Tallandier, 1994). Ruelle décide de “se servir” de Louis Bureau pour contacter le général Charette… A la fin de décembre 1794, Louis Bureau et Marie Anne Charette entrent ainsi en contact avec le général Vendéen. Dans les semaines qui suivent Bureau jouera ainsi les intermédiaires entre les deux camps et œuvrera pour qu’un terrain d’entente soit trouvé afin d’aboutir à la paix ; et il n’hésite pas à demander l’appuis du capitaine Bertrand-Geslin… Une réunion est organisée au Manoir de La Jaunaye (Charette aurait souhaité La Batardière, mais c’est Bureau qui proposa La Jaunaye). Bureau pris une part active aux débats, proposant notamment que les biens confisqués aux Vendéens leur soient rendus. Et le 17 février 1795, à La Jaunaye, un accord est trouvé et un traité de Paix est enfin signé. Quelques jours plus tard, Louis Bureau remet deux drapeaux de Charette à La Convention… Entre-temps, le beau-frère de Bureau, Louis Plumard de Rieux, organisa à Nantes un bal majestueux en l’honneur des signataires de la Paix. Bureau-Batardière, Bertrand-Geslin, Plumard de Rieux… Le traité de La Jaunaye et la fin de la Première Guerre de Vendée fut presque une histoire de famille.
Les efforts de Bureau lui valurent d’être “amnistié comme chouan” (Source AD44 – 1M57), ce qui confirmerait qu’il a bien pris les armes dans le camp insurgé. C’est ce que semble confirmer un rapport de perquisition chez “Bureau chef de brigand (de L’Eperonnière)” daté du 12 avril 1793 et classé sous le nom de Bureau-Batardière (Source : AD44 – L286). Ainsi Louis Bureau n’est pas inconnu lorsqu’en 1798 il est inquiété par la lettre anonyme. Mais il semble qu’il ait tout de suite été “innocenté“, sa position sociale et politique le protégeant peut-être ; à moins que ce ne soit encore son neveu Bertrand-Geslin, devenu une des plus grosses fortunes de la région. Il ne tardera pas d’ailleurs à marquer de son nom la vie politique de la région, entrant au conseil régional en 1800, membre de la délégation Nantaise invité à assister au couronnement de Napoléon en 1804, nommé par ce dernier Président du Canton de Vertou cette même année 1804, il devint maire de Nantes en 1805. Nommé baron d’Empire en 1810, officier de la Légion d’honneur, député, il fu destitué par Louis XVIII mais devint maire de La Flèche après la Révolution de 1830. Il est décédé dans son village natal de Le Luc (Var) en 1843. Louis Bureau fut-il le personnage dénoncé dans la lettre. Pour l’administration Nantaise, cela semble manifestement peu probable. Mais en poursuivant leurs investigations, les autorités vont porter leurs soupçons sur un autre Bureau… Charles Bureau de La Robinière.
Charles est un lointain cousin de Louis Bureau de La Batardière (leurs arrières grands-pères sont frères). La branche de La Robinière est issue d’une famille de juristes. Charles est né le 9 août 1758. Il devint avocat et notaire. En 1789 il représenta le Tiers pour Clisson en vue des états généraux à Nantes. Lorsqu’éclata la guerre civile, il se réfugia à Nantes où il fut considéré comme un patriote modéré. Il rejoignit pourtant l’armée Vendéenne au printemps 1793 et lutta jusqu’en 1795 en étant membre de l’état-major de la division de Clisson. Il devint juge de paix en 1802. Il est décédé le 13 janvier 1829.
Plusieurs de ses parents se firent également remarquer durant la guerre : Son cousin germain Jacques Bureau (né en 1748), chanoine et doyen de la collégiale de Clisson refusa de prêter serment en 1791 et prêcha clandestinement avant d’être emprisonné. Il survécut pourtant à la Révolution et mourut vicaire de Mouzillon en 1811. Jean Baptiste Bureau, frère du chanoine, procureur fiscal de Clisson, entra dans la garde nationale en 1791, il prêta serment à la République en 1792, mais préféra finalement se réfugier à Nantes puis fuir la région. Celui-ci, manifestement Républicain même s’il ne prit par les armes contre les insurgés, ne fut pas soupçonné d’être la victime de la lettre de dénonciation. Notons également qu’un autre Jean-Baptiste Bureau, fil de Charles (le soupçonné) participa à l’ultime combat des Guerres de Vendée en 1832, dans le camps républicain… Membre de la Garde nationale, il demanda personnellement au commandant du 29eme Régiment d’Infanterie de déloger les insurgés retranchés à La Pénissière. Ainsi le nom de Bureau marqua l’Histoire de la Guerre civile dans les deux camps, jusqu’au dernier jour. Les soupçons portés contre Charles Bureau, ne devaient finalement pas aboutir… Qui était alors le Bureau dénoncé ? A la lecture de la lettre plusieurs indices apparaissent :
- Le sieur Bureau est dans l’administration
- Le Bureau dénoncé est de Clisson
- Il est également électeur
- Son beau-frère est le chef des aristocrates qui compose sa municipalité
- Il connait le sieur Forget, procureur syndic et cousin
Étudions ces indices
- L’administration
Des Bureau de l’époque et évoqués dans cet article , lesquels étaient dans l’administration, et ont marqué l’histoire locale ?
- Louis Bureau de Laubretière était maire de La Boissière-du-Doré
- Charles Bureau de La Robinière était juge de Paix du canton de Clisson
- Jean-Baptiste Bureau (frère du chanoine) était avocat et notaire à Clisson
- Louis Bureau de La Batardière, s’il flirt avec l’administration, ne semble pas avoir retrouvé son rôle d’avant-guerre à l’époque de la dénonciation…
- Jacques Jean Benoit Bureau, bien que le plus inquiété par cette lettre n’est pas concerné. Seul son passé d’officier vendéen en fit un suspect idéal.
2. Clisson L’action décrite par la lettre se passe sur Clisson (les sieur Forget et le vitrier Clisson également évoqués, sont de Clisson). Deux Bureau de notre liste sont de cette ville :
- Charles Bureau de La Robinière
- Jean Baptiste Bureau
3. Cousin Mocquart Le cousinage Forget se fait probablement par la famille Mocquart (grand-mère de Forget) puisque Jean-Baptiste et Charles ont pour mère une Moquart… 4. Electeur Des deux Bureau de Clisson, un seul est électeur : Jean-Baptiste Bureau
5. Beau-frère aristocrate
- Jean Baptiste Bureau a une sœur Marie-Anne qui a épousée Guillaume Boutillier de La Porte, royaliste notoire qui devint maire de Clisson en 1792…
Conclusion : Tout porte à croire, au regard des indices, que le Bureau dénoncé fut ce Jean-Baptiste Bureau qui entra dans la garde nationale en 1791 avant de fuir la guerre après avoir prêté le serment Républicain. Républicain modéré certes, qui se fit effectivement remarquer en 1792 en défendant les biens de Madame de Rohan, propriétaire du château de Clisson, mais de là à le soupçonner de Royalisme. Trop modéré pour les Républicains, il devint certainement une cible plus facile que les “vrais Vendéens”. Il décéda le 24 mars 1821, notaire. Le témoin de son décès fut son cousin et beau-frère Charles Bureau de La Robinière, l’officier vendéen… L’ironie du sort a voulu qu’au sein de cette famille déchirée par la guerre civile celui qui fut accusé comme étant un “aristocrate” fut probablement un de ceux qui épousa le plus la Révolution de 1789, avant finalement d’être déçu par ce qu’elle devint en 1793.