Lorsque le général d’Empire Rivaud de la Raffinière et l’ex-conventionnel Auguis faisaient affaire
Quant à Olivier Macoux Rivaud de la Raffinière, onzième enfant de Jean-Charles et d’Élisabeth Rivaud une famille de la magistrature de la sénéchaussée de Civray,[4] il vit le jour le 10 février 1766, à une bonne trentaine kilomètres de là, à Civray[5] dans ce qui n’était pas encore la Vienne.
Ces deux personnages issus de la bourgeoisie de robe poitevine ont chacun connu une carrière hors du commun.
Pierre Jean Baptiste Auguis
Pierre Jean Baptiste Auguis était fils de Pierre René juge royal en chef civil et criminel, commissaire enquêteur et examinateur de la prévôté royale de Melle depuis 1751. Après avoir achevé ses études à Poitiers, il servit dans les dragons du régiment de Laval Montmorency et devint capitaine[7], mais quitta assez rapidement l’armée pour succéder à son père comme juge.[8] Lors de son mariage en 1779[9], il était indiqué sur l’acte «Conseiller du roy, lieutenant général civil et criminel commissaire examinateur au siège royal de Melle ». En 1803, date de la vente précitée, il séjournait à Paris, 12 rue des Petits Augustins faubourg Germain[10] comme indiqué sur la 5e pièce de la liasse :
« Dès les premiers jours de sa rentrée à Paris l’élite des Conseils environna Bonaparte sous la direction de Lucien que l’on nomma tout exprès à la présidence des Cinq Cents ; on voyait là Auguis, Bailleul, Béranger, Bodin, Boulay de la Meurthe, Cabanis, Cacault, Chénier… »[28] Auguis était présent à Saint-Cloud lors du coup d’Etat du 18 brumaire, et en 1799 : « ne s’y étant pas montré contraire à Bonaparte, il fut appelé aussitôt dans le nouveau corps législatif ».[29] Ce corps remplaçait le Conseil des Anciens et était chargé de voter les lois délibérées devant le Tribunal.[30] Il y devint secrétaire le premier janvier 1800 et y fut réélu deux fois. Donc en 1803, date d’une partie des documents trouvés, Pierre Jean Baptiste Auguis en tant que bonapartiste est un représentant des Deux-Sèvres au Corps législatif. Lors de la transaction avec Rivaud de La Raffinière, Auguis achète à ce dernier des propriétés mises en fermage et générant des revenus réguliers. Il semble qu’arrivé à la fin de sa vie, s’étant enrichi, il veut assurer de futurs revenus pour son épouse et ses enfants.
Dans la liasse se trouve aussi un document daté du 24 janvier 1810 signé par le général de division Rivaud de la Raffinière résidant à La Rochelle stipulant avoir reçu : « de Monsieur Auguis membre du corps législatif, demeurant à Melle, la somme de six mille Sept cent dix livres Seize sous onze deniers tant en principal qu’intérêts pour final payment du domaine de Verine que je lui ai vendu par acte du huit fructidor an 11, reçu par maynard notaire à Périgny ; dont je le quitte entièrement. »
Olivier Macoux Rivaud de la Raffinière
La paix d’Amiens s’achevant ce 18 mai 1803, et devant quitter sa famille, le 10 du même mois il signa, dans son domaine de la Raffinière, une procuration sous seing privé à son épouse. Et le 23 séjournant « hôtel de Nimes rue de Genelle honoré »[48] il parapha l’accord de vente de tous ses biens situés à Verrines avec Auguis. Il ne fut donc pas présent dans son château de la Raffinière à Brux le 1er juin suivant,[49] jour où son épouse accoucha d’une fille née au dit lieu et prénommée Charlotte Éléonore Cléopâtre. Ce fut son beau-père Joseph Philippe de Fricon, propriétaire âgé de 65 ans et demeurant à Couhé[50] qui le remplaça comme premier témoin en tant que grand-père maternel de l’enfant. De par cette absence d’Olivier Rivaud en son domicile familial, son épouse le représenta le 26 août 1803 lors de l’acte passé devant le notaire Maynard de Périgné dans les Deux-Sèvres, et qui était une : « Vante consentie par la dame de Fricon chargée des pouvoirs du citoyen rivaud général de division son mary au proffit du citoyen pierre jean baptiste auguis législateur ».
« Contre lettreDe la vante consentie par la dame de fricon chargée des pouvoirs du citoyen Rivaud général de division son maryAu profitDu citoyen pierre jean baptiste Auguis législateurDu 8 fructidor an 11 »« je soussigné faisant pour le Général de divison Rivaud mon gendre, reconnais avoir reçu de monsieur auguis la somme de onze Mille Livres tournois tat pour principal quintest Et tant de Ce jour acomte sur ce qu’il lui… aussi qu’il est porte par l’acte de ventes à lui Consenti le… fructidor an onze donc quittance de onze mille Livres a Contre le Sept Vendémiaire au treize».
En effet, Olivier Rivaud de la Raffinière, qui fut fait le 19 décembre 1803 chevalier de la Légion d’honneur, alla commander une division au camp de Nimègue, qui deviendra l’armée d’Hanovre. Durant l’année 1804, il fut un temps stationné à Verden en Hanovre (dans la correspondance de Bernadotte alors maréchal, se trouvent 39 lettres qu’il lui a adressées en tant au général commandant la deuxième division de l’armée).[52] Son épouse l’avait suivi et avait accouché de leur premier fils Jean Baptiste Olivier César à ce même Verden en Hanovre[53] le 5 octobre 1804. Et en septembre 1805, son époux fut placé à la tête de la première division du premier corps de la grande armée sous les ordres du même Bernadotte.[54] Il fit capituler le 17 octobre à Neresheim 4 000 Autrichiens, et le deux décembre il eut sa jument “Grise” tuée sous lui à Austerlitz. En congé sur ses terres, le 18 mai 1806 il déclara la naissance de son second fils Pierre François Macoux Léopold au château familial.[55]
Mais fervent catholique et ayant été en correspondance avec le duc d’Angoulême neveu de Louis XVIII[59], lors de l’insurrection de Bordeaux du 12 mars 1814 il fut relativement bienveillant avec les royalistes. La marquise de la Rochejacquelein écrira en parlant d’un insurgé royaliste arrêté qu’il fut sauvé par : “Le général Rivaud de la Raffinière qui au milieu de toutes ces circonstances, fermait les yeux sur les démarches de royalistes”. Après l’abdication de Napoléon, il adhéra donc à la première Restauration et fut promu le 1er mai 1814 commandeur de Saint-Louis et comte de la Raffinière ; et en août grand-officier de la Légion d’honneur. Et le même mois en tant que lieutenant général commandant de division, il adressa une lettre de fidélité et de dévouement à Louis XVIII. Il fut sans emploi pendant les Cent-Jours, mais retrouva ses fonctions à la seconde Restauration. Le 22 août 1815, il fut élu député de la majorité de la Charente-Inférieure jusqu’au 5 septembre 1816, [60]mais revint à La Rochelle reprendre ses fonctions militaires. Membre en 1816 du conseil de guerre jugeant à Rennes le général Travot, il vota d’abord pour l’acquittement, puis pour la peine la plus faible. Il fut inspecteur général d’infanterie en 1819, commandant de la 15e division militaire à Rouen de 1820 à 1830, après avoir refusé en 1824 le commandement en chef de l’armée d’occupation d’Espagne. Le 1er mai 1821, il fut fait commandeur de l’ordre de Saint-Louis[61] et en 1825, nommé Grand-croix de la Légion d’honneur. Il demanda sa retraite en 1830 et l’obtint le 10 juillet 1831. Retraite qu’il passa entre Poitiers[62] et son château de la Raffinière.
Pour aller plus loin :
Pauline Léon et sa famille à La Roche-sur-Yon.
[1] Christelle Augris, Jean Théophile Victoire Leclerc, la vie d’un révolutionnaire Enragé, Epub
[2] Verrines-sous-Celles, actuellement commune déléguée de Celles-sur-Belle
[3] Ad des Deux-Sèvres registres paroissiaux de Melle paroisse St Hilaire et St Savinien 1miec R71 R224
[4] H. Beauchet-Filleau, Dictionnaire historique et généalogique des familles du Poitou, 1ère édition, tome 2
[5] Ad de la Vienne registres paroissiaux de Civray 9E92/2 mi0225
[6] Ecrit sur l’acte de baptême Mâcou, quelquefois écrit aussi Macoud, ce prénom lui vient donc de son parrain curé de la paroisse de Saint-Macoux (Vienne) [
7] Emile Monnet, Archives politiques du département des Deux-Sèvres : 1789-1889,. Tome 2, éditions Clouzot Niort, 1889
[8]Ibid.
[9] Ad des Deux-Sèvres registres paroissiaux de Sauzé-Vaussais 1Mi200 R582
[10] Sur Wikipédia, nous apprenons que cette rue a été réunie à d’autres pour créer la rue Bonaparte et qu’au No 12, rue des Petits-Augustins se trouvait la demeure de Pierre Jean Baptiste Auguis
[11] Jean-Louis Cara journaliste aux annales Patriotiques et conventionnel girondin exécuté le 31 octobre 1793.
[12] Michel Biard,Un document inédit à propos de la mission du 9 mars 1793 pour la levée des 300 000 hommes, In : Annales historiques de la Révolution française, n° 325, 2001. pp. 99-104
[13] Pierre-François Piorry (1758-1847) révolutionnaire jacobin poitevin, élu à la Convention comme montagnard.
[14]François Pierre Ingrand (1756-1831) homme politique originaire de la Vienne, député montagnard
[15]Article de Aulard, une interview du conventionnel Piorry en en 1841 grâce à un manuscrit de Jules Richard , une visite au conventionnel P…, La Révolution française revue d’histoire moderne et contemporaine t73 1920
[16] Françoise Brunel, Clore le gouffre de la Terreur , Révolution Française.net, décembre 2015, http://revolution-francaise.net/2015/12/12/635-clore-le-gouffre-de-la-terreur
[17] Rapport fait à la convention nationale par les représentants du peuple Auguis et Serre sur leur mission dans les départements des Bouches-du-Rhône du Var et de l’Ardèche, imprimé par ordre de la Convention nationale. Paris imprimerie nationale ventôse an III, in-8 °, 14 p bibl. nat. 8 ° Le 39 213
[18] Collection de documents inédits sur l’histoire de France, Volume 4, Numéro 5, Partie 17 Imprimerie nationale., 1906 « Comité des travaux historiques et scientifiques rapport fait à la Convention nationale par les représentants du peuple Auguis et Serres sur leur mission dans le département des bouches du Rhône du Var et de l’Ardèche »
[19] Georges Lefebvre, Les thermidoriens —Le Directoire,Colin 2016
[20] Selon Ph Le Bas dans France annales historiques, Volume 21 843, il fut : « légèrement blessé, par on ne sait qui, et d’ailleurs très bien portant, vint lui-même raconter ce qui lui était arrivé »
[21]Charles-Marie Leconte de Lisle, Histoire populaire de la Révolution française , 1871
[22] René Levasseur de la Sarthe, Mémoires de Levasseur de la Sarthe ,Paris 1829-31 Rapilly & Levassseur
[23] H. Beauchet-Filleau, Notes diverses pour servir à l’histoire de la ville de Melle, (Melle), 1890, Mignet, F.A
[24] Histoire de la Révolution française, depuis 1789 jusqu’en 1814, Paris, Firmin Didot, père et fils
[25]Emile Monnet, Archives politiques du département des Deux-Sèvres : 1789-1889., Tome 2
[26]Arthur Conte, Le Premier janvier 1800, Paris, 1990
[27] Pierre Louis Pascal de Jullian, Philipe Lesbroussart, Galerie historique des contemporaines, ou Nouvelles biographies, 1828.
[28] Selon Fabre de l’Aude cité par Jean Gaulmier dans l’idéologue Volney 1757-1820 ,Slatkine reprint 1980.
[29] Joseph Fr Michaud, Louis Gabriel Michaud, Biographie universelle, ancienne et moderne, 1934.
[30] Procès-verbal de la séance du conseil des Cinq-cents tenue à Saint-Cloud le 19 brumaire an 8 imprimerie nationale
[31] Ad des Deux-Sèvres bureau de Melle tables des testaments et des donations après décès 3Q15/181 – testament du 30 décembre 1809, enregistré le 25 mars1810
[32] Ad des Deux-Sèvres registres d’état civil Melle décès 2Mi 689
[33] Il l’avait épousée 28 avril 1779 à Sauzé-Vaussais, elle était fille d’un procureur fiscal du marquisat de Crugy-Marcillac. Un contrat de mariage enregistré au bureau de Sauzé-Vaussais du même jour et passé devant le notaire Martin indiquait que les biens de l’épouse étaient de 6000 livres (Archives de la Vienne, bureau de Sauzé-Vaussais – table des contrats de mariage 1761-1812 2 c2454)
[34] Pierre René auteur né le 6 octobre1783 à Melle, fit des études au lycée de France et servit l’empire en France et en Hollande, député de l’opposition de Melle de 1831 à 1844, année de sa mort. Il fut conservateur de la bibliothèque Mazarine. Lors de la succession de son père, il est noté homme de loi (table des donations et partages bureau de Melle 3q15/189)
[35] Julie Alexandrie née le 27 janvier 1781 à Melle
[36] Louis Sincère né le 10 mai 1788 à Melle, élève à l’école impériale de Fontainebleau en 1084, obtint la Légion d’honneur le 30 aout 1813 en tant que 1er lieutenant dans les fusiliers de la garde de Napoléon et fut nommé par l’empereur officier le 17 mars 1814 Léonore LH/75/60. Lors de l succession de son père, il est noté chef de bataillon
[37] Baptisée sous les prénoms de Magdeleine Catherine le 22 février 1779 à Melle
[38] Ad des Deux-Sèvres registres de déclaration de mutations par décès- bureau de Melle 12 août 1809 4 août 1811 3q15/146 f 59 à 61
[39] Ad des Deux-Sèvres registres paroissiaux de Melle paroisse Saint-Hilaire et Saint-Savinien cote 1miEc71 R226
[40] J. F. Michaud,Biographie universelle, ancienne et moderne ou Histoire, par ordre alphabétique, de la vie publique et privée de tous les hommes, Paris, 1811-1828, Volume 56
[41] Augustin Bobe , histoire de Civray, 1935
[42]P. Boissonnade, Histoire des volontaires de la Charente pendant la Révolution -1791-1794 , Angoulême 1890
[43] État de services indiqués dans son dossier de Légion d’honneurLH/2339/15
[44] Biographie sur le site http://www2.assemblee-nationale.fr extraite du dictionnaire des parlementaires français de 1789 à 1889 » d’Adolphe Robert et Gaston Cougny.
[45]Jacques Le Coustumier, Le Maréchal Victor -Claude Victor Perrin , Nouveau Monde éditions fondation Napoléon
[46] Lettres et documents pour servir à l’histoire de Joachim Murat1761-1815 , Plon Nourrit et Cie 1904-1914
[47] Ad de la Vienne registre d’état civil de Couhé mariage 1796-1802 (5Mi 0947)
[48] Actuellement partie sud de la rue Jean Jacques Rousseau, l’hôtel de Nîmes était selon l’annuaire du commerce de 1805 tenue par une dame Friez.
[49] Ad de la Vienne registres d’état civil de Brux naissance 1802 1806 5mi0943
[50] Ad de la Vienne registres d’état civil de Brux cote 9e49/2 5mi0097
[51] Il décédera à Couhé âgé de 70 ans, le huit septembre 1807 ancien capitaine d’infanterie (Ad de la Vienne registre d’état civil 6 ec 9e 99/5 5mi0239.)
[52] Série de 39 lettres de Bernadotte au général Rivaud de la Raffinière concernant l’administration de l’armée française en Hanovre 7 messidor an XII-20 vendémiaire an XIV [16 juin 1804-12 octobre 1805] vue 105 à vue 275 Gallica.
[53] Ad de la Vienne registres d’état civil de Brux naissance 5mi0943 retranscription en date du trente vendémiaire an 13 de l’acte de naissance établit à Verden en Hanovre (serait Werden-an-de- Ruhr selon son dossier de Préfet https://francearchives.fr)
[54]LH//2339/15
[55] Ad de la Vienne registres d’état civil de Brux naissance 9E49/2. Le père est noté comme « membre du collège électoral du département de la Vienne, l’un des commandants ide l’ordre impérial de le Légion d’honneur, général de division de l’armée de l’empire français, commandant la première division du premier corps de de la grande armée ». Il deviendra capitaine du génie et décédera à Douai le 22 juin 1840 ad du Nord (cote 5 Mi 020 R 054)
[56] Les revenus de deux terres du Poitou lui donnent en outre 12 000 livres
[57] Ternisien-d’Haubricourt, Fastes de la nation française et des puissances alliées, ou Tableaux pittoresques gravés par d’habiles artistes, accompagnés d’un texte explicatif et destinés à perpétuer la mémoire des hauts-faits militaires, des traits de vertus civiques, ainsi que les exploits des membres de la légion d’honneur, 1807
[58] Ad de la Charente-Maritime registre d’état civil de La Rochelle 2e312/519
[59] H Couderc de Saint Chamant, Napoléon ses dernières armées, Flammarion 1902
[60] http://www2.assemblee-nationale.fr
[61] Testu, Almanach royal, 1829 Gallica
[62] Son épouse décède le 12 avril 1839 à Poitiers en son domicile 30 à 62 ans place des petits jésuites (Source Ad de la Vienne registres de décès de 1839 9e229/253 5mi0523)
[63] Arnauld Divry, les 660 noms inscrits sur L’Arc de Triomphe La construction de l’Arc de triomphe de l ‘Etoile,2015 https://dokodoc.com/la-construction-de-l-arc-de-triomphe-de-l-etoile.html
[64] Ad de la Vienne registres d‘état civil de Brux décès 9E49/10
[65] H du Boisbaudry, le général Rivaud, un royaliste à la gloire de Napoléon, éditions de la lettre active 2017
[66]En plus, des trois cités précédemment, il eut Olivier César Ferdinand Léopold né 15 février 1809 dans un lieu indéterminé et noté avocat lors de la succession
[67] Ad de la Vienne bureau de Couhé tables des successions et absences lettre R de 1832 à 1840.
[68] Bulletin des Lois du Royaume de France, IX série, règne de Louis-Philippe 1er, roi des Français t 17 – 1840