De la France au Texas, Théodore Gentilz, un témoin de son époque
Il a 25 ans lorsque, diplôme en poche, il fait une rencontre qui va changer sa vie. En 1844, il entre en contact avec Henri Castro4Comte Henri Castro (1786-1865). Ancien membre de la Garde impériale de Napoléon, après avoir épousé une riche héritière, il s’installa aux Etats-Unis dans les années 20 où il devient consul de France dans la ville de Providence (Rhode Island). En 1827, il prend la nationalité américaine et se lance dans les affaires.
Mais l’expérience de peintre de Théodore Gentilz intéressa également Castro qui vit là l’occasion d’utiliser son talent dans un but promotionnel. Ainsi son travail va l’amener à parcourir cet état et à rencontrer sa population faite de Mexicains, d’Amérindien, d’Américains et de colons étrangers, en particulier Français, et à les coucher sur la toile ainsi que les nombreux paysages de cet état. Il se déplaçait de El Paso à la côte du golfe du Mexique et même jusqu’à Mexico. L’œuvre artistique de Gentilz se concentre sur la culture amérindienne et mexicaine, sur la vie des éleveurs, les scènes de rue et les anciennes missions espagnoles.
Gentilz serait devenu un véritable assistant de Castro, qui depuis 1841 intervenait régulièrement auprès des autorités Françaises dans le but de conclure des accords avec la République du Texas. Bien qu’ayant une petite maison à Castroville, Gentilz fréquentait de plus en plus San-Antonio, faisant régulièrement le trajet entre les deux villes (environs 50 kms). Sur la route il se lia au gré des rencontres, avec les populations locales, mexicaines et amérindienne et lesquelles il troquait des dessins en échange de nourriture. De retour à son atelier de peinture à San Antonio, il reprenait les esquisses nées de son crayon lors de ses déplacements pour les transposer en couleur à la peinture à l’huile. Ses œuvres gardent ainsi le souvenir des Comanches, des Lipans, des Apaches ou encore des Kiowas.
Malheureusement, en 1847, sa maison de Castroville, où il conservait sa bibliothèque et de nombreuses œuvres, fut détruite par un incendie, et ses toiles avec. Outre son travail de géomètre, et de peintre, Gentilz était régulièrement envoyé en Europe par Castro afin de « recruter » des volontaires pour venir peupler les colonies Texanes, désormais Américaines depuis 1845. Ainsi en 1847, il voyagea en Belgique et à Paris, où il retrouva Auguste Monvoisin de retour en France pour quelques mois. En 1849, Gentilz s’installe définitivement à San Antonio. Cette même année, Castro lui demande de retourner une fois encore en France pour y promouvoir ses colonies. Voyage durant lequel il épousa Marie Louise Anastasie Fargeix, musicienne, le 12 juin 1849 à Paris et avec laquelle il va s’installer donc à San Antonio. La jeune sœur de Théodore, prénommée Henriette, est également du voyage. Cette dernière rencontrera au Texas un colon Français ami proche de Théodore Gentilz, Auguste Fretellière6Né à Angers (49) le 17 mars 1823. Son père également prénommé Auguste était confiseur. Il était arrivé aux Etats-Unis à Gavelston (Texas), venant d’Anvers, le 25 octobre 1843 sur le navire « Jean Key ». Il est décédé en 1902., qu’elle épousera en 1852. Très liées, ces deux familles, Gentilz et Fretellière, deviendront des piliers de la vie de San Antonio y fondant même une association de secours mutuel.
Il continua ses allers-retours vers l’Europe jusqu’en 1877, mais en 1879 c’est désormais la peinture qui devait l’accaparer à temps plein. Il fonde alors un atelier d’enseignement (au 318, rue Flores Nord à San Antonio) et fit imprimer une annonce pour l’occasion : « Instruction en dessin et en peinture de tous genre ; aussi dans les principes de la géométrie suivis de perspective linéaire et aérienne à l’intention des peintres »
Il publia également un ouvrage intitulé « A method of perspective for artist » dédicacé « en souvenir de Viollet-le-Duc » (décédé en 1879). A la même époque Théodore Gentilz devint enseignant dans la première université du Texas (St-Mary’s College à San Antonio, fondée en 1852), où il donne des cours de peinture. C’est ainsi qu’il enseigna à ses nièces Louise et Mathilde Fretellière qui devinrent également des artistes réputées au Texas. De son côté, son épouse Marie, donnait des cours de musique à domicile.
Bien que sa peinture et ses cours lui prenaient beaucoup de temps, on continua à faire appel à lui en tant que géomètre, en particulier pour dessiner des routes au nord du Mexique, zone géographique dont il publia des cartes détaillées en 1880. Comme toujours, ses déplacements étaient pour lui l’occasion de reproduire en peinture les villes qu’il traversait, les paysages et les hommes qu’il croisait, mais désormais ses croquis préalables au travail sur toile cédaient la place à la photographie…
Il prit sa retraite en 1894, et décéda à San Antonio le 4 janvier 1906 laissant une œuvre considérable, considérée par les spécialistes comme un des plus importants témoignages de la vie des premiers Texans. Son style, jugé un peu rigide et naïf dans ses débuts, évolua vers plus d’habileté avec le temps. Ses œuvres appartiennent aujourd’hui à différents musées, en particulier au San Antonio Museum of Art, ou encore dans le musée du fort Alamo à San Antonio. Un mot sur Louise Fretellière la plus illustre de ses nièces. Née en 1856, elle devint professeur des Beaux-Arts, et enseigna au Texas et au Mexique. Comme son oncle, plusieurs de ses œuvres sont conservées dans les Musées Texans. Elle est décédée en 1940.
Notes
- 1Né à Lorges (41) le 29 janvier 1780. Décédé à Paris le 13 décembre 1847. Il était carrossier rue de Miromesnil
- 2Ecole gratuite établie rue des Cordeliers à Paris, créée en 1766 par Jean-Jacques Bachelier (1724-1806), ouverte officiellement en 1767 par lettres patentes du roi Louis XV. – Elle devient l’ « École royale de dessin et de mathématiques en faveur des arts mécaniques » en 1823. – En 1877, après plusieurs changements d’appellation (dont la « petite École »), l’institution devient l’ « École nationale des arts décoratifs »
- 3Raymond Auguste Quinsac Monvoisin (1790 – 1870)
- 4Comte Henri Castro (1786-1865)
- 5La République du Texas rejoindra les Etats-Unis en 1845.
- 6Né à Angers (49) le 17 mars 1823. Son père également prénommé Auguste était confiseur. Il était arrivé aux Etats-Unis à Gavelston (Texas), venant d’Anvers, le 25 octobre 1843 sur le navire « Jean Key ». Il est décédé en 1902.