Super Constellation
Sciences,  XXe Siècle

Le Super Constellation F-BGN J de Nantes

Cet article fait suite à une visite du Super Constellation et les explications fournies fort aimablement par les membres et le président Patrick Pelletier de l’Amicale du Super Constellation F-BGNJ, qu’ils en soient sincèrement remerciés.

Les Constellation

Vidéo montrant l’évolution de la liaison d’Air France entre Paris et Tokyo
A la sortie de la Seconde Guerre Mondiale, l’aviation civile prend son essor. La compagnie aéronautique américaine Lockheed Corporation commercialise alors un quadrimoteur à hélices le Constellation. Puis dès 1947, elle conçoit une version plus longue et perfectionnées de ce modèle : le Super Constellation. Destinée à une clientèle de passagers très aisé, le Super Constellation est même décliné en une version luxueuse avec couchettes.
Aube du 9 octobre
L’Aube du 9 octobre
Le Super Constellation rencontre un grand succès auprès des compagnies aériennes mondiales qui passent commande d’exemplaires auprès de Lockheed.

La Croix du 24 octobre 1950 (Retronews)

La Croix du 24 octobre 1950 2 (Retronews)
La Croix du 24 octobre 1950 (Retronews)

 

 

Combat du 7 août 1950 (Retronew)
Combat du 7 août 1950 (Retronew)
La Science et la vie, 1 décembre 1950 (Retronews)
La Science et la vie, 1 décembre 1950 (Retronews)
En 1951, la presse française se fait largement écho de la commande de dix Super-Constellation qu’ Air France passent auprès des usines aéronautiques Lockheed…elle en possèdera 20 en 1957.
( 24 heures d’un avion, reportage diffusé dans les Actualités Françaisesdu 24 janvier 1956 et montrant un contrôle de Super Constellation dans les ateliers d’ Air France)
L’Économiste européen du 9 septembre 1951 (Retronews)
L’Économiste européen du 9 septembre 1951 (Retronews)

 

La Gazette provençale du 20 septembre 1951 (Retronews)
La Gazette provençale du 20 septembre 1951 (Retronews)

 

Air-France Revue de janvier 1952 (Gallica)
Air-France Revue de janvier 1952 (Gallica)

 

France aviation du 15 mai 1967 (Gallica)
France aviation du 15 mai 1967 (Gallica)
Mais avec l’avènement des avions de ligne à réaction, dont notamment les Caravelle, Douglas DC-8 et surtout les Boeing 707, les Super Constellation et leurs moteurs à piston sont frappés d’obsolescence. Ils doivent céder leur places pour les longs itinéraires intercontinentaux et se contenter des lignes intérieures jusqu’en 1967, date où Air-France arrête leur exploitation. (Le magasine d’Air France, France aviation du 15 mai 1967 fait ses adieux aux Lockheed sur plusieurs pages.)Voici, l’histoire du dernier survivant de la commande passée en 1953 par Air-France; le F-BGNJ visible sur une piste annexe de l’aéroport de Nantes.
Le Super Constellation F-BGNJ de Nantes
Le F-BGNJ qui reçoit respectivement ses certificats de navigabilité et d’immatriculation les 10 et 11 novembre, est le dernier de la série de dix Super Constellations 1049 C achetés et livrés en 1953. Le 1er aout 1954, il connait lors d’une liaison Orly Mexico, un accident à l’aéroport de Mexico pendant le roulage au sol entre l’hangar et la piste entrainant d’importants dégâts structuraux. Il reste immobilisé pendant sept mois, et n’est ut de retour à Orly que le 23 février 1955. En 1956, il est modifié en L-1049 G (on peut trouver une photo de l’avion datant de 1961 sur l’aéroport de Berlin ici ).

 

Combat du 21 août 1957 (Gallica)
Combat du 21 août 1957 (Gallica)
Lors de la période de gloire des Super Constellations. Le BGNJ sillonna le monde entier et reliait Paris à Buenos Aires, Caracas, ou New-York, Tokyo, Téhéran, Phnom Penh… Il accueille à son bord, quelques célébrités comme Coco Chanel et Grace Kelly…
Après 24 281 heures de vol, il est retiré du service en novembre 1963 et vendu en 1966 à la Trabajos Aereos Y Enlaces (TAE). Il est mis aux couleurs de la compagnie et immatriculé EC-BEN ; mais il ne volera jamais sous les couleurs de cette compagnie, la vente ayant été annulée. Il revient alors dans la flotte d’Air France puis le 8 août 1967 est vendu à Gesto finance Panana, mais suite à une saisie judiciaire l’avion est interdit de départ. Ensuite, vendu à Air Fret et immatriculé F-BRAD, il connait alors ses heures de vol les plus glorieuses.
Aménagement luxueux pour l’époque (photographie de F. Augris)
Aménagement luxueux pour l’époque (photographie de F. Augris)

Mission au Biafra

Alors, au Nigéria anglophone, la région du Biafra fait sécession, ce qui entraine le pays dans une terrible guerre civile de 1967 à 1970 provoquant plus d’un million de morts. Un blocus infligé par les autorités nigérienne envers le Biafra causant une terrible famine. la Croix-Rouge française agissant en parallèle de la Croix-Rouge internationale décide alors d’affréter un avion pour transporter des secours (lire à ce propos de M. Desgrandchamps, Soutien militaire et aide humanitaire. Les ambiguïtés de la France au Biafra, Relations internationales, 2016).
Cockpit (Photographie de F.Augris)
Cockpit (Photographie de F.Augris)
Début août 1968, une collecte nationale publique lancée via notamment les radios française rapporte 13 245 000 francs permettant d’acheter des vivres de premières nécessités et des médicaments auxquels s’étaient ajoutés les dons d’entreprise de l’agro-alimentaire, et même de l’Etat français. Cette cargaison attend d’être livrée au Biafra, un avion devant être trouvé. Mais les grandes compagnies aériennes en période de vacances ne répondent pas à l’appel. Et c’est la petite compagnie Air Fret qui propose le L-1049G Super Constellation F-BRAD nouvellement acquis. Il est transformé en cargo par le démontage de ses sièges, et ainsi coque nue peut transporter plusieurs tonnes de secours. Reste à trouver l’équipe navigante restreinte à son minimum : pilote, copilote et mécanicien navigant. Après l’intervention de Jean-Marie Chauve auprès du Ministère des Affaires étrangères qui interféra auprès d’Air-France, la compagnie accepte de libérer du personnel qualifié. Et dès la fin du mois d’août 1968, Jean-Marie Chauve, André Gréard et M. Diou sont choisis sur près de cent pilotes et quinze mécaniciens s’étant portés volontaires pour cette mission. Avec comme unique passager M. de Farcy de l’Ordre de Malte, le 7 septembre 1968, l’avion décolle d’Orly et après deux étapes, la première à Luqa (Malte) et la seconde à Douala (Cameroun), il atterrit à Libreville au Gabon le 8 septembre où pendant un mois, l’avion est basé.
Le F-Brad effectue plusieurs aller-retours nocturnes par semaine, parfois pour le compte du gouvernement français, entre Libreville et Obilago au Biafra, puis sur une route d’Ulli transformée en piste. Il livre ainsi dix tonnes de vivres et médicaments de première nécessité et revient quelquefois à Libreville, les soutes chargées d’enfants dénutris, voir hélas moribonds qui à leur arrivée sont pris en charge par un hôpital de campagne ou par le suisse Edmond Kaiser de Terre des Hommes (pour plus de détails lire de Bernard Chevreau Pilotes sans frontière, Paris, 1999, chapitre 2 et l’interview de Gréard page 3 du magazine d’ ASF de décembre 1995).
Vie et bonté : France Croix-Rouge : organe officiel de la Croix-Rouge française d’octobre 1968 (Gallica)
Vie et bonté : France Croix-Rouge : organe officiel de la Croix-Rouge française d’octobre 1968 (Gallica)
Après un mois d’activité sur place, le F-Brad est rapatrié à Châteauroux, et remplacé par un DC-4 qui continue jusqu’en avril 1969. Suite à ce conflit ayant montré les limites de la Croix-Rouge Internationale, Médecins sans frontière et Aviation sans frontière verront le jour quelques années plus tard .
Sur le site d’ ASF on peut lire le témoignage d’André Gréard, l’un de ses trois fondateurs et ayant participé à cette mission humanitaire :
« A l’automne 1968, c’était à ULI dans le delta du BIAFRA. IL faisait chaud et humide. Au milieu de la nuit, nous embarquions des enfants biafrais dont la vie ne tenait plus qu’à un fil. Nous avions apporté des vivres et des médicaments dans l’avion de la Croix Rouge. Le fameux Super Constell F-BRAD affrété par la Croix-Rouge française, et bien que l’appareil n’était équipé qu’en cargo, des couvertures avaient été étalées pour installer les petits biafrais recueillis par l’équipe d’Edmond Kaiser. Il était là, affairé, éperdu devant cette misère. Nous avons parlé. Il est reparti en chercher d’autres. Ceux-là sont arrivés à Libreville, mais pas tous vivants. Je l’ai revu à plusieurs reprises après cela mais il y eut toujours de la buée sur nos paupières à l’évocation de ce souvenir.
A son retour du Gabon, le F-Brad continue à voler un temps pour la société Air Fret, (en 1969, il est photographié le 11 novembre à Paris et le 23 à Abidjan). il est vendu à la fin de cette année à Catair de René Meyer. Il appartient à cette compagnie jusqu’en janvier 1973 où il est retiré du service, pour être revendu à Air Fret et transporté à Nîmes, sans jamais naviguer.
En aparté, indiquons que durant l’année 1969, l’armée tanzanienne passe commande auprès de la Suède de cinq avions, Malmö MFI-9B MINICOIN destinés en réalité au Biafra, ils sont acheminés de la France jusqu’à Libreville dans les soutes de deux Super Constellation, dont peut-être le F-Brad (Michael I. Draper, Shadows: Airlift & Airwar in Biafra & Nigeria 1967-1970, Hikoki Publications, 1999).
Avion classé
Echappant à un ferraillage, le Super Constellation via un entrepreneur est racheté par l’aéro-club nantais de Château-Bougon dans le but de devenir une attraction touristique. Après son dernier voyage dans les airs avec comme pilote René Meyer, il y atterrit le 12 mai 1974 (lire article de l’époque sur cette page). En 1999, la Chambre de Commerce et d’Industrie de l’aéroport de Nantes-Atlantique rachète le Super Constellation à son propriétaire de l’époque M. Gaborit pour le sauver une nouvelle fois d’un ferraillage qui lui était sans doute réservé. Un groupe de passionnés décide alors de créer une association en vue de restaurer l’avion. L’amicale du Super Constellation voit ainsi le jour en 2000 avec pour principal objectif la préservation du Lockheed L-1049 C immatriculé F-BRAD. Cette association eut comme président Michel Beyssat ancien commandant de bord d’air France ayant piloté cet appareil de 1956 à 1961. Il y avait rencontré son épouse, une hôtesse de l’air sur la ligne. En 2015, il confia quelques anecdotes aux journalistes et expliqua notamment que pour rallier Tokyo, « l’équipage partait 15 jours et passait par Rome, Istanbul, Téhéran, Karachi, Calcutta, Bangkok, Manille (article du Point du 13 octobre 2015). Depuis, décédé et en son hommage, l’Amicale a baptisé le F-BGNJ du nom des deux époux « Elisabeth et Michel Beyssat ».
En 2001, l’avion est classé au titre d’objet aux Monuments historiques. Toutefois, après son classement ses déboires ne s’arrêtent pas. Quelques années après son déménagement le 1er mai 2004, sur le site de l’ époque d’ Aeroscope (projet d’une Vitrine Aéronautique dans le Grand Ouest), les autorités militaires françaises affirment qu’il est stationné dans une zone militaire réglementée, interdisent l’accès à l’avion de janvier à octobre 2009, date où elles autorisent un déplacement vers un autre endroit de l’aéroport.
Actuellement, le Super Constellation se trouve route de Fremiou à Saint-Aignan de Grand lieu (voir les conditions de visite ici).
Le grand projet actuel de L’Amicale du Super Constellation, après le changement de l’ensemble de la moquette de l’avion est de pouvoir lui trouver un toit.
(Photographie de F. Augris)
(Photographie de F. Augris)
Air France, Réseau Aérien Mondial (édit. Perceval, 1956)
Air France, Réseau Aérien Mondial (édit. Perceval, 1956)

Pour aller plus loin :
L’association Aéroscope-Atlantique pendant huit ans proposait au sous-sol de la Galerie commerciale du Sillon de Bretagne de Saint-Herblain (le grenier de l’aviation).
Site de Ralph M. Pettersen’s Constellation Survivors (conniesurvivors.)

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