![Costumes parisiens de la fin du XVIIIe siècle et du commencement du XIXe : ouvrage commencé le 1er juin 1797. Tome 1. Années 1797-1799 ; Pl. 1 à 100 / [par le P. de La Mésangère, et continué jusq'en 1832]](https://desecritsetdelhistoire.fr/wp-content/uploads/2025/02/Costumes_parisiens_de_la_fin_.La_Mesangere_btv1b10025704f_102-e1739284229851.jpg)
L’Enragé Leclerc, poète sous le Directoire
L’Enragé Leclerc, poète sous le Directoire, c’est ainsi que l’on retrouve Jean Théophile Victoire Leclerc connu sous les noms de Leclerc d’Oze ou Leclerc de Lyon. Emprisonné au printemps 94, libéré après Thermidor, il occupa ensuite divers postes dans l’administration du Directoire1De novembre 1794 à mars 1796, une place dans le bureau de la commission d’Instruction publique, et en septembre 1797 il était deuxième employé au bureau des musées, bibliothèques et fêtes nationales.. En parallèle, il poursuivit ses talents de versificateur, certains diront de rimailleur. On ne lui connait, pour l’instant, que trois écrits de cette période parus en France.
Le premier est un poème publié dans la Feuille nantaise du 14 janvier 1796 intitulé Songe et signé « citoyen Leclerc employé à l’Instruction publique« , très certainement une déclaration d’amour à l’ex Citoyenne Républicaine Révolutionnaire Claire Lacombe arrivée depuis peu à Nantes après avoir signé un contrat au théâtre de la ville.

Le second, sous le nom et la fonction de « Leclerc, employé dans les bureaux de l’instruction publique » parut dans La Clef du cabinet des souverains le 10 août 1798 (23 thermidor an VI), date anniversaire de la prise des Tuileries, et intitulé Dix août, chant dithyrambique2Même si dans Les ronds-de-cuir en Révolution: les employés du Ministère de l’intérieur sous la Première république (1792-1800)l Catherine Kawa lui en attribue la paternité, Claude Guillon spécialiste des Enragés, de par le fait que ce chant dithyrambique est référencé sur le site de la BNF comme datant de 1792 rejette cette attribution dans Notre patience est à bout. Or, la seule trace de cette œuvre est sa parution dans la Clef du cabinet des souverains, le 10 août 1798, et à cette date Leclerc est bien employé à l’Instruction publique :
« Réveille toi, chantre Gaulois,
Phoebus chasse la nuit profonde,
Il luit pour la sixième fois
Ce jour si fécond en exploits,
Exemple frappant peur le monde !
Leçon terrible pour les rois.L’aurore du Dix Août voyait un trône antique,
Ce jour sur son déclin n’y vit plus qu’un tombeau;
Que dis-je ?…. C’était un berceau
Où puissante déjà dormait la République.Muse, dis-moi, qui fut en ce jour solennel
Dépositaire de la foudre ?
Qui réduisit le sceptre en poudre ?
Vengea-t-il son injure, ou l’Etat, ou l’autel ?Une exécrable politique ,
Un druide, un prince, un Séjan,
Armèrent-ils un bras aveugle et fanatique
Pour ne frapper que le tyran ,
Et mettre en d’autres mains le pouvoir despotique ?Non, c’est le peuple entier las du joug, las des rois :
Il dit : Tremble, tyran, ton pouvoir n’est qu’un rêve ;
Il dit…. le despotisme expira par le glaive,
Et le despote par les lois.L’aurore du Dix Août, etc. etc.
Vous qui vivez sous un monarque,
Et vous qui l’approchez, ministres ou sujets,
Égaux aux yeux du ciel, du sage et de la parque,
Si d’un caprice vain, infortunés jouets,
Courbés sous un édit que dicta l’injustice,
Vous souffrez….
Que celui qui porte dans son cœur
L’amour de son pays, le mépris du supplice,
Présente à pareil jour l’édit à son auteur.Voilà , lui dira-t-il, un monument inique,
Révoque ou crains le peuple en ses fougueux transports ;
Et si dans son délire aveugle et despotique,
Le monarque hésitait, tu lui dirais alorsL’aurore du Dix Août voyait un trône antique,
Ce jour sur son déclin n’y vit plus qu’un tombeau ;
Que dis-je?…. C’était un berceau
Où puissante déjà dormait la République.
On y remarque un thème cher à Leclerc, celui de l’abolition de la monarchie.
Le troisième, alors qu’il était employé à la Cinquième division du Ministère de l’Intérieur, il eut l’honneur qu’une de ses œuvres soit exécutée lors de la fête du 1er vendémiaire au VII, dite Fête de la Fondation. Cette fête nationale, sous l’impulsion du ministre de l’Intérieur de l’époque fut organisée à Paris au Champ de Mars. Le programme en démontre le faste. Interprété par les élèves du Conservatoire de Paris, le chant triomphal de Leclerc3Pierre Constant, Musique des fêtes et cérémonies de la Révolution française, Paris, Imprimerie nationale, 1899, p. 153-166. fut accompagné par une musique de Martini , tout comme celui de Chénier exécuté le même jour.

Chant triomphal pour la fête du 1er vendémiaire an VII
Musique de Martini
Chantons la République en lauriers si féconde
Qu’elle anime à la fois et nos cœurs et nos chants !
Que puissante toujours elle ait l’amour des Francs,
Comme elle a le respect du monde.Salut ! Salut à ses proclamateurs !
Célébrons le Sénat auguste !
Ingrats contemporains redoublez vos clameurs,
Mais la postérité plus juste
Dira : Tout fut par lui retiré du chaos.
Nous lui devons nos lois, nos vertus, nos héros.
À sa voix tout reprend une forme nouvelle,
Et grand dans les succès, plus grand dans les revers,
S’il faiblit quelque fois, c’est l’Atlas qui chancelle
Sous le poids du vaste univers.Chantons la République en lauriers si féconde
Qu’elle anime à la fois et nos cœurs et nos chants !
Que puissante toujours elle ait l’amour des Francs,
Comme elle a le respect du monde.
Nous aurions pu penser, qu’après ce succès, d’autres œuvres de Leclerc auraient été jouées ou publiées. Il s’avère qu’à ce jour aucune autre trace de l’Enragé Leclerc, poète sous le Directoire n’est connue. Pourtant, François Félix Nogaret lui trouvait du talent4 François-Félix Nogaret, Le danger des extrêmes ; essai critique, à l’ordre du jour, sur quelques écrivains ensemble, où se trouve l’histoire du savant astronome chinois, Kia-tsing Marabou-tsky, et un Dialogue familier entre Aristénète et Corébus, Les Marchand de Nouveautés, Paris, p 66 :
“On n’y aurait pas vu avec moins d’intérêt diverses pièces lyriques, pleines de feu, du citoyen Leclerc, jeune auteur d’une tragédie patriotique, bien écrite ( chose rare ) et jugée du plus grand intérêt par les meilleurs critiques en ce genre ».
Il faut rechercher en Louisiane où sous le nom de Jean Leclerc il dirigea un des plus importants journaux de langue francophone, L’ami des Lois et chatouilla la plume dans cette Ode à la Lousiane 5Pierre Cherbonnier, Alphabet, ou, Méthode simple & facile de montrer promptement à lire aux promptement à lire aux enfans ainsi qu’aux étrangers qui veulent apprendre le français, Nouvelle-Orléans, 1829 :
Salut heureux recoin du monde ;
Où fleurit encore l’olivier
Salut, ô peuple hospitalier,
Qui jouit d’une paix profonde,
Tandis qu’au loin la foudre gronde,
Et par maint éclat meurtrier
Pulvérise un sanglant laurier,
Entasse guerrier sur guerrier
Et tarit la source féconde
D’où pouvait naître un peuple entier”
(Jn Leclerc 1809)
Mais ceci fera ultérieurement l’objet d’un article concluant les écrits poétiques de Leclerc.
Notes
- 1De novembre 1794 à mars 1796, une place dans le bureau de la commission d’Instruction publique, et en septembre 1797 il était deuxième employé au bureau des musées, bibliothèques et fêtes nationales.
- 2Même si dans Les ronds-de-cuir en Révolution: les employés du Ministère de l’intérieur sous la Première république (1792-1800)l Catherine Kawa lui en attribue la paternité, Claude Guillon spécialiste des Enragés, de par le fait que ce chant dithyrambique est référencé sur le site de la BNF comme datant de 1792 rejette cette attribution dans Notre patience est à bout. Or, la seule trace de cette œuvre est sa parution dans la Clef du cabinet des souverains, le 10 août 1798, et à cette date Leclerc est bien employé à l’Instruction publique
- 3Pierre Constant, Musique des fêtes et cérémonies de la Révolution française, Paris, Imprimerie nationale, 1899, p. 153-166.
- 4François-Félix Nogaret, Le danger des extrêmes ; essai critique, à l’ordre du jour, sur quelques écrivains ensemble, où se trouve l’histoire du savant astronome chinois, Kia-tsing Marabou-tsky, et un Dialogue familier entre Aristénète et Corébus, Les Marchand de Nouveautés, Paris, p 66
- 5Pierre Cherbonnier, Alphabet, ou, Méthode simple & facile de montrer promptement à lire aux promptement à lire aux enfans ainsi qu’aux étrangers qui veulent apprendre le français, Nouvelle-Orléans, 1829
